Caritas International Belgique #derrierelecran
scroll to

Focus

RD Congo :
#derrierelecran

Caritas International Belgique#derrierelecran
septembre 2019

Connecté-e partout, tout le temps. Plus vite, plus smart, et même plus vert… et si le numérique ne tenait pas ses promesses ? Passez derrière l’écran et voyez l’impact humain et environnemental de notre conso numérique.

 

Une question ? Contactez-nous

Au fond de votre poche, plus de 45 métaux rares composent votre smartphone. Ils sont au cœur de chacun de nos objets connectés, de nos batteries, au cœur de la révolution numérique. Étain, or, coltan ou cobalt. Des minerais rares et précieux qui continuent d’alimenter des conflits sanglants, des injustices et des dégâts irréversibles à notre planète. C’est le cas notamment à l’est de la République Démocratique du Congo, où des milliers de creuseurs risquent chaque jour leur vie pour la gagner. Ils sont le premier maillon d’une chaine d’exploitation et de production qui manque encore cruellement de transparence et de responsabilité, malgré les promesses de filières propres.

À l’autre bout de la chaine : VOUS avez le pouvoir de changer la situation en consommant moins, mieux et en exigeant avec nous un numérique solidaire et responsable.

De la RD Congo...

<p><em>« Nous revenions d’avoir acheté de l’huile au marché. En chemin, nous avons croisé ces hommes en armes. Ils étaient nombreux, ils nous ont arrêtées et demandé de l’argent. Les plus âgées d’entre nous avaient de quoi payer, ils les ont laissées partir. Je n’en avais pas, et ils m’ont emmenée avec deux autres filles… Notre calvaire a duré une semaine. »</em></p>

« Nous revenions d’avoir acheté de l’huile au marché. En chemin, nous avons croisé ces hommes en armes. Ils étaient nombreux, ils nous ont arrêtées et demandé de l’argent. Les plus âgées d’entre nous avaient de quoi payer, ils les ont laissées partir. Je n’en avais pas, et ils m’ont emmenée avec deux autres filles… Notre calvaire a duré une semaine. »

Derrière l’écran : les viols, l’insécurité, une crise humanitaire qui n’en finit pas

« Nous revenions d’avoir acheté de l’huile au marché. En chemin, nous avons croisé ces hommes en armes. Ils étaient nombreux, ils nous ont arrêtées et demandé de l’argent. Les plus âgées d’entre nous avaient de quoi payer, ils les ont laissées partir. Je n’en avais pas, et ils m’ont emmenée avec deux autres filles… Notre calvaire a duré une semaine. » Noëlla n’a pas 18 ans. Hospitalisée à Panzi aux bons soins du Prix Nobel Denis Mukwege et de son équipe, elle s’apprête à donner naissance à l’enfant de l’un de ses violeurs.

Elles sont ici des centaines dans son cas, des dizaines de milliers dans la province du Sud-Kivu, à l’est de la RD Congo. Entre février et mars de cette année, les équipes de Caritas ont documenté 340 agressions sexuelles dans les seuls environs de la cité minière de Salamabila. Une preuve de plus, s’il en fallait, que le viol est encore et toujours une arme au service de la terreur.

La terreur n’est pas gratuite ; elle constitue un élément stratégique du chaos qui règne dans la région. Ce désordre organisé permet aux forces en présence de s’enrichir, grâce à la prédation des ressources naturelles, des biens et des personnes, d’étendre leur influence et d’alimenter par la même occasion ce conflit. Depuis le déferlement de violences et de haine inter-ethnique dans toute la sous-région suite au génocide rwandais de 1994, des dizaines de groupes armés et leurs relais politiques locaux, nationaux et régionaux prennent en otage des communautés entières. Tirant profit de l’absence de l’État, du règne du non-droit et de l’impunité, les groupes armés sont la première cause des déplacements massifs de population : 800.000 personnes au Sud-Kivu sont aujourd’hui encore déplacées dans leur propre pays.

L’insécurité et ces mouvements de populations constants font le triste jeu des épidémies de choléra, de rougeole, sans parler de la malnutrition généralisée… « À Bukavu, chef-lieu de la province, on compte quatre grands cimetières », explique Roger Buhendwa de la Fondation Panzi. « C’est beaucoup. Et pourtant on y déterre les morts tous les trois ans. Ils se remplissent des familles poussées en ville par la guerre, poussées dans la tombe par des maladies bénignes. » Quand s’arrête la complaisance ? Où commence la complicité ?

Derrière l’écran : l’esclavage moderne et la pauvreté

La richesse du sous-sol congolais détonne avec la pauvreté en surface. C’est ce qu’on appelle la malédiction des ressources, ou encore le paradoxe de l’abondance, qui condamne les pays les plus riches en ressources à abriter les populations les plus pauvres du monde. Dans le marasme économique ambiant, le secteur minier artisanal est la source de revenus principale de milliers de familles. En dépit des dangers qu’il comporte.

<p>©Justice & Paix – Un million de Congolais survivent grâce à l’exploitation minière artisanale. Ils travaillent dans de piètres conditions et pour un salaire de misère.</p>

©Justice & Paix – Un million de Congolais survivent grâce à l’exploitation minière artisanale. Ils travaillent dans de piètres conditions et pour un salaire de misère.

À 56 ans, dont 25 comme creuseur, Jean fait figure d’autorité parmi les jeunes qui s’affairent dans les puits de la mine d’or de Nyamurhale sur le territoire de Walungu. Une lampe frontale vissée sur sa casquette, il évoque les nombreux risques du quotidien : les pompes défaillantes la menace de la montée des eaux et du manque d’air dans les galeries, les poussières toxiques, la lourdeur de la tâche qui marque les corps, l’absence de dispensaire à proximité et les éboulements que chacun redoute. Des difficultés qui valent pour la plupart des mines artisanales.

<p><em>« Nous tous, nous sommes… des esclaves. Nous travaillons, et les autres mangent. »</em></p>

« Nous tous, nous sommes… des esclaves. Nous travaillons, et les autres mangent. »

« Nous étions 46 creuseurs dans ce puits qu’on appelle ‘Terre Promise’ », explique Jean. « Nous ne sommes plus que 3. On n’y trouve plus grand-chose. Ces hommes ont besoin de ramener de quoi nourrir leur famille. » Un jour n’est pas l’autre, ici pas question de salaire fixe. Résultat : les creuseurs tentent leur chance ci et là, en fonction de la valeur marchande des minerais et des nouveaux filons prometteurs. C’est le règne de la débrouille et de l’opacité ; de nouveaux trous se creusent dans le dos des agents de l’État, au mépris des règles et de la perception des taxes, privant la province de revenus dont la communauté ne peut pourtant pas se passer.

Officiellement, en 2018, 1.5 kg d’or – métal intraçable – a été extrait artisanalement du sol du Sud- Kivu. « Autant dire que 95% de l’or que trouvent les creuseurs disparait dans la nature, pour ne pas dire à l’étranger », sourit un observateur de la société civile. « Le gramme » , poursuit Jean, « se négocie ici à 42 dollars. Arrivé à Bukavu, il en vaut déjà 55. (…) Nous tous, nous sommes… des esclaves. Nous travaillons, et les autres mangent. » 

Une fois tirés du sol, les minerais passent par de nombreuses mains, négociants et comptoirs avant d’être exportés, fondus et d’entrer dans la chaine de production de notre numérique. Les bénéfices sont majoritairement réalisés au sommet de la chaine. L’introduction de mesures de traçabilité pour exclure de nos importations les minerais des conflits – l’étain, le tantale (produit à partir du coltan), le tungstène et l’or, surnommés les “3TG“- va de pair avec des surcoûts. Ces derniers sont supportés par les creuseurs et leurs coopératives. Alors qu’aucune avancée n’est en vue sur le plan de leur protection sociale. Un motif de satisfaction malgré tout : les enfants et les femmes enceintes ont semble-t-il déserté les sites certifiés. Mais quel avenir réserve à ces personnes la course aux minerais qu’engendre le tout au numérique ?

Derrière l’écran : des dégâts irréversibles à la planète

Autre minerai stratégique dont l’essentiel des ressources mondiales est concentré en RD Congo : le cobalt, présent dans les batteries lithium-ion, notamment de nos voitures électriques. Son exploitation est principalement confiée aux exploitants industriels. À la différence des 3TG, qui sont eux essentiellement issus de l’activité minière artisanale. Cette dernière, avec près de 10 millions de personnes qui en tirent des revenus directs et indirects, est le second secteur d’activité du pays, après l’agriculture. Tant le secteur artisanal que l’industriel pèsent lourd sur l’environnement.

 

Sœur Espérance Musimwa, juriste à la Commission Justice & Paix de Bukavu, peine à masquer son émotion à l’approche du village de Cinjira. Là, au sommet d’une montagne dont des pans entiers sont rongés par une mine géante à ciel ouvert, survivent 362 familles délocalisées par l’entreprise Twangiza Mining, filiale de Banro. Loin de tout, ils demandent une école, des terres à cultiver… et, ici comme souvent ailleurs, attendent toujours l’étude d’impact environnemental pourtant prévue par la loi. Les données manquent pour établir une évaluation précise des conséquences de l’exploitation minière sur le territoire congolais et sur la santé de ses habitants et du bétail. Un récent rapport d’ONU Environnement[1] dresse toutefois des tendances alarmantes en termes de déforestation, d’extinction des espèces, de pollution aux métaux lourds, résultant en une privation d’eau potable et d’accès à la terre pour les communautés environnantes. Près de 15 tonnes de mercure seraient utilisées annuellement dans les seules mines d’or artisanales du pays. Et le bilan s’alourdit encore quand on remonte la chaine et considère l’empreinte carbone de la production et de l’usage du numérique. On estime que le numérique devrait générer en 2020 autant de gaz à effet de serre que l’Inde et ses 1,3 milliard d’habitants, soit environ 10% de nos émissions globales. Est-ce à la planète de payer la facture numérique au prix fort ?

Derrière l’écran : une autre digitalisation est possible

Les conséquences néfastes de l’exploitation des ressources naturelles à l’est de la RD Congo sont bien documentées. Quand le lien entre les minerais des conflits et les millions de victimes de la grande guerre africaine a été formellement établi par les Nations Unies, des mesures légales ont été prises ; par la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) ou à travers la loi américaine Dodd-Frank, qui impose aux fabricants la transparence des filières. La directive européenne de 2017 entrera quant à elle en vigueur en 2021. Mais quel est l’effet réel de ces mesures ?

Les certificats – la garantie de minerais échappant au contrôle des groupes armés et excluant le recours au travail des enfants et des femmes enceintes – reposent sur la traçabilité de la chaine “de la mine à la poche”. Ces mécanismes en cours de déploiement ont leurs limites, notamment parce que tous les États ne les appliquent pas de la même manière. Et si de plus en plus de sites miniers sont aujourd’hui certifiés, des failles permettent toujours d’introduire dans la chaine des minerais issus de sites non-certifiés, et donc possiblement liés à des atteintes aux droits humains. Ces mesures ont aussi des effets pervers. Si le lien entre les groupes armés et les mines est de plus en plus diffus, leur emprise sur les ressources naturelles (exploitation forestière, pêche, etc.) et sur les maigres revenus de la population vivant à proximité (barrages routiers, pillages, etc.) reste indiscutable.

Mais si les promesses du nouveau Code Minier congolais sont tenues et si le secteur minier artisanal parvient à mieux s’organiser et se formaliser, de véritables coopératives et les mécanismes de redistribution des taxes prévus devraient être la garantie d’un meilleur partage des bénéfices liés à l’extraction. Au bénéfice de la collectivité. Mais une fois encore, la bonne gouvernance sera la clé. Et l’avènement d’une paix durable pour la région, LA priorité sur laquelle toutes les forces en présence doivent encore pouvoir s’entendre.

Derrière l'écran, les viols et la terreur

Caritas International Belgique#derrierelecran

RD Congo, 2019

Derrière l'écran, l’insécurité et une crise humanitaire sans fin

Caritas International Belgique#derrierelecran

RD Congo, 2019

Derrière l'écran, l’esclavage moderne

Caritas International Belgique#derrierelecran

RD Congo, 2019

Derrière l'écran, une longue chaine de production

Caritas International Belgique#derrierelecran

RD Congo, 2019

...à la Belgique

Consommez différemment

La sobriété numérique est l’unique manière d’agir à un niveau individuel ; elle consiste à limiter ses achats, le gaspillage et les usages. Nous devons à oser questionner la course au progrès. C’est pourquoi…

Vous, #derrierelecran, réfléchissez à deux fois avant d’acheter un nouvel appareil :

  • Quand vous achetez, veillez à le faire auprès de fabricants portant une attention sincère à la durabilité de leur chaine d’approvisionnement et de production, et achetez de préférence en seconde main ou reconditionné.
  • Faites-en usage avec modération. Pour ne citer qu’un exemple, regarder 10 minutes de vidéo en haute définition en ligne équivaut à la consommation d’un four électrique de 2.000 Watts à pleine puissance pendant 5 minutes.
  • Réparez autant que possible.
  • Recyclez votre appareil en fin de vie.

Exigez un numérique solidaire et responsable

Mais des questions aussi importantes et complexes appellent des réponses collectives, un consensus mondial et ambitieux là où les bonnes volontés individuelles ne suffisent pas ; c’est pourquoi…

Nous, #derrierelecran, demandons un numérique solidaire et responsable, qui diminue la pression sur les ressources naturelles et les personnes qui les extraient, et qui tienne les entreprises et les états responsables de la protection des personnes et de la planète. Nous demandons :

  • des conditions de travail décentes pour les personnes à la base des chaines d’approvisionnement, en contribuant au renforcement de la gouvernance du secteur minier artisanal, ainsi qu’un engagement dans la résolution des conflits touchant la région et une assistance durable aux communautés affectées, pour la construction d’une paix et d’opportunités de développement durables.
  • une transition écologique, numérique et énergétique tenant compte de la rareté des ressources et de l’impact de leur exploitation grâce à la promotion de la sobriété numérique.
  • des exigences de qualité et de durabilité imposées aux biens de consommation : lutte contre l’obsolescence programmée, prolongation de garantie, écoconception, réparabilité, recyclabilité.
  • la mise en place du dispositif prévu par la directive européenne au niveau du SPF Economie, de sorte à garantir des chaînes d’approvisionnement responsables.

Actualités associées

Toutes les actualités

Projets associés

Tous les projets

Découvrez toutes nos autres campagnes

Toutes les campagnes