RD Congo : les civil-e-s fuient la terreur

Caritas International Belgique RD Congo : les civil-e-s fuient la terreur

Des milliers de congolais-e-s se réfugient en Ouganda / © Caritas International

Des milliers de congolais-e-s se réfugient en Ouganda / © Caritas International

23/08/2023

En République démocratique du Congo, les conflits ont repris depuis fin 2021. Les violences et les tueries se propagent à nouveau dans les territoires de l’Est et forcent les civil-e-s à fuir. Ils et elles sont nombreux à arriver en Ouganda. Dans ce pays voisin, les demandes affluent mais les moyens financiers diminuent. La peur s’installe, la faim s’intensifie. La détresse est grande.

Depuis la fin de la guerre civile en 2003, certaines provinces de la République démocratique du Congo sont régulièrement plongées dans un climat de terreur et d’insécurité : fracture identitaire, tensions politiques et difficultés économiques sont au cœur des affrontements.

« Les rebelles sont entrés chez nous. Ils ont tué mes parents. J’étais cachée sous le lit. Le lendemain, j’ai obtenu des informations pour fuir en Ouganda et y rejoindre ma tante » se souvient péniblement Angela, 17 ans, qui réside dans le village de réfugié-e-s de Kyangwali, en Ouganda, depuis 2017.

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Les rebelles sont entrés chez nous. Ils ont tué mes parents. J'étais cachée sous le lit.

Angela, 17 ans, réfugiée congolaise.

Plus d’une centaine de groupes armés sévissent en RD Congo, principalement dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri situées dans l’Est du pays. Leurs revendications sont diverses : identitaires, culturelles, économiques et géographiques. Pour les civil-e-s, le danger et la peur sont omniprésents.

« Le problème avec la guerre est que nous sommes tout le temps en fuite. Nous restons un moment dans un village, jusqu’à ce que les rebelles arrivent, brûlent et poignardent. Alors nous sommes obligés de courir.  Mon mari a été brulé dans l’abri de notre jardin. J’étais avec les enfants dans notre maison pas loin. » Devenue veuve en 2014, Emmanuelia, 37 ans, échappe aux attaques perpétrées dans le Nord-Kivu et arrive en Ouganda l’année suivante.

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Ouganda : la paix mais pas la sérénité

Comme Emmanuelia, des milliers de Congolais-e-s franchissent la frontière vers l’Ouganda qui pratique une politique de « porte ouverte et de libre mouvement ». Cela explique pourquoi le pays abrite la plus grande population de réfugié-e-s d’Afrique (1,58 millions de personnes)1. L’Ouganda étant un pays limitrophe, de nombreuses personnes traversent la frontière à pied ou en bateau sur le Lac Albert. Sur place, l’inquiétude est présente car l’afflux de réfugié-e-s est constant alors que les financements diminuent chaque année. Le manque de nourriture représente la première urgence.

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Le village de réfugié-e-s de Kyangwali s'étend sur une centaine de km2. © Caritas International

 

La majorité des Congolais-e-s résident dans les villages de réfugié-e-s de Kyangwali et Kyaka II, dont ils composent près de 90% de la population et où le réseau Caritas dispose d’organisations locales. Ces villages sont pris en charge par le HCR2 mais l’organisation peine à obtenir des financements. Des milliers de personnes ne bénéficient donc pas de l’aide dont elles ont besoin. Le système d’accueil étant différent de celui pratiqué en Europe, les villages de réfugié-e-s fonctionnent comme des mini-sociétés et sont composés de districts et de zones. Les autorités ougandaises sont présentes dans chaque village de réfugié-e-s, où elles se chargent du bon fonctionnement et de la gestion des terres. Kyaka II, fondé en 2005, a une superficie de 81,5km2. Kyangwali, fondé dans les années 60, abrite plus de 130.000 personnes sur une surface d’environ 100km2 .

 

En Ouganda, les réfugié-e-s reçoivent théoriquement un lopin de terre pour construire un abri et cultiver. Ils et elles ont le droit de travailler, soit dans les champs de propriétaires ougandais soit en démarrant leur propre business. Dans les faits, les fonds manquent et la nourriture aussi. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM)3 distribue des dons mensuels : financiers ou alimentaires. Faute de financements, une réduction de ces dons est appliquée depuis juillet 2023. La conséquence directe est l’augmentation des tensions liées à la faim, qui régit depuis longtemps déjà le quotidien de nombreuses personnes.

« Être ici, être réfugié, ce n’est pas facile. C’est dur de se sentir en sécurité car il n’y a pas de bonne nutrition ni de bonne santé. Je suis inquiet pour le futur de mes enfants. » Kabaseke, la quarantaine, était propriétaire d’un grand élevage dans la province de l’Ituri. Là-bas, des conflits ethniques ont eu pour conséquence la mort de la majorité de sa famille et un exil forcé. Lui qui possédait 170 vaches n’en possède plus aucune depuis son arrivée à Kyangwali.

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Il n’y a pas de bonne nutrition ni de bonne santé. Je suis inquiet pour le futur de mes enfants.

Kabaseke, 47 ans, réfugié congolais.

Caritas International agit sur place pour venir en aide aux personnes les plus vulnérables. Les partenaires locaux organisent des formations sur des techniques d’agriculture, font de la prévention sur les violences sexuelles et basées sur le genre, soutiennent des individus ou des groupes d’épargne.

L'urgence de la faim

Pour contrer la faim, Emmanuelia multiplie les initiatives : elle cultive du maïs et des haricots qu’elle revend, fait la lessive de ses voisins et a lancé un petit commerce. A son arrivée en Ouganda, elle a construit une maison de terre mais elle était trop isolée pour pouvoir générer des revenus. Malgré ses différentes activités et son déménagement dans une zone plus animée de Kyangwali, elle n’arrive pas nourrir sa famille. « J’ai lancé mon business pour ne plus connaître la privation mais j’ai maintenant des crédits à rembourser et donc toujours faim. Si j’ai plus d’argent, je pourrai acheter plus de nourriture et des vêtements pour mes enfants. On s’entraide avec les voisins, si je n’ai plus d’eau ou de savon, je peux leur demander. On est tous inquiets alors on cherche des solutions ensemble » explique-t-elle, en dissimulant son inquiétude derrière un sourire.

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J'ai lancé mon business pour ne plus connaître la privation mais j'ai maintenant des crédits à rembourser.

Emmanuelia, 37 ans, réfugiée congolaise.

Kabaseke redouble également d’efforts pour prendre soin de sa famille. Sa femme est tombée gravement malade à leur arrivée en Ouganda. Faute de moyens, il n’a pas pu lui trouver de médicaments et elle est décédée peu après. Désormais seul avec ses quatre enfants et sa mère à charge, il se bat pour la santé des siens. « Je me sentirai bien le jour où je saurai mes enfants en sécurité, avec une bonne éducation et une bonne santé. »

« Le commerce a changé notre vie » explique Mariamu, 35 ans, la tante d’Angela. « Nous cherchions du travail, creusions, cultivions mais cela ne suffisait pas. Maintenant, nous avons un stand au marché. » Mais pour se rendre au marché, Mariamu marche trois heures par jour. Lourdement chargée, elle ne peut pas tout emmener et limite donc ses ventes. « Ce serait mieux si nous avions un petit logement pour rester près du marché car la route est souvent glissante et dangereuse » explique Mariamu. Angela la rejoint après ses cours. Grâce au commerce, elle a pu retourner à l’école. Adolescente projetée trop vite dans une vie d’adulte, elle souffre de nombreux traumatismes suite aux horreurs qu’elle a vécues. Sa tante a été formée par Caritas pour pouvoir l’aider à se reconstruire. Avec les deux chèvres qu’elles ont reçues, elles ont pu démarrer leur activité.

De nombreuses personnes comme Emmanuelia, Angela ou Kabaseke ont besoin d’aide pour se nourrir et vivre en sécurité en Ouganda. Les financements actuels sont trop faibles pour répondre à l’urgence. Soyez à leur côté et aidez-les à vaincre la faim, Aujourd’hui et demain. Faites un don en ligne ou sur le compte BE88 0000 0000 4141 avec la communication ‘4945 CONGO’.



2

Le HCR (l’agence des Nations Unies pour les Refugiés) mène depuis 1950 une action internationale pour protéger les réfugié-e-s, les communautés déplacées de force et les apatrides. En Ouganda comme dans de nombreux pays, le HCR finance la gestion des villages de réfugié-e-s et protège celles et ceux qui s’y trouvent. En 2022, le HCR n’a atteint que 13% des financements nécessaires, ce qui met en péril l’aide apportée et donc la sécurité des réfugié-e-s.

3

Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) est “la première organisation humanitaire mondiale de lutte contre la faim, fournissant une aide alimentaire dans les situations d’urgence et travaillant avec les communautés pour améliorer la nutrition et renforcer la résilience”. Dans les villages visités, il s’agit des seuls dons alimentaires pour les d’accueil et ceux-ci sont vitaux.

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