Niger: restaurer champs et pâturages pour améliorer la sécurité alimentaire

Caritas International Belgique Niger: restaurer champs et pâturages pour améliorer la sécurité alimentaire

Plus de 80% de la population du Niger et du Sahel vit de l'agriculture et de l'élevage. - © Johanna de Tessières / Caritas International

Plus de 80% de la population du Niger et du Sahel vit de l'agriculture et de l'élevage. - © Johanna de Tessières / Caritas International

02/02/2024

Au Niger, comme dans beaucoup d’autres régions du monde, le réchauffement climatique impacte l’agriculture et l’élevage. L’insécurité alimentaire pousse de nombreux jeunes à chercher leur salut en ville, dans les pays voisins ou en Europe. A l’opposé de ce constat alarmant, les efforts déployés pour stimuler l’agriculture, renforcer la cohésion sociale et promouvoir l’agroécologie ouvrent de nouvelles perspectives positives. Responsable Sahel pour Caritas International, Chétima Mai Moussa nous en dit plus à ce sujet.

Plus de 80% des populations du Niger et du Sahel dépendent de l’agriculture et de l’élevage pour survivre, mais ces moyens d’existence se retrouvent particulièrement fragilisés face aux dérèglements environnementaux, sociétaux et économiques. L’avancée du désert rogne petit à petit les champs. De nombreux fleuves et rivières connaissent un ensablement croissant. Le lac Tchad a par exemple rétréci de façon dramatique. Le niveau de l’eau y baisse à cause de l’ensablement des rivières et de l’irrigation intensive dans la région : depuis les années 1960, sa superficie est passée de 24.000 km² à 1.700 km². Dans plusieurs rivières, certains tronçons sont devenus impraticables pour les pirogues à cause du manque d’eau. Les hippopotames sont eux aussi forcés de se déplacer vers des endroits avec plus de profondeur. C’est une situation inédite.

L’ensablement des cours d’eau provoque également des inondations. Lorsque les pluies sont trop abondantes, les rivières sortent de leur lit en inondant les champs. Des personnes se noient. Dans une région comme Diffa où Caritas International est active, nous constatons toutefois que les habitants et habitantes sont réticents à partir. Ils et elles sont très attachés à leur village et à leur terre et doivent alors s’adapter.

Chétima, le réchauffement climatique affecte-il aussi la sécurité alimentaire ? 

Chétima : Oui. La crise climatique entraîne la perte de terres arables. L’agriculture traditionnelle permet aux familles de produire de la nourriture durant seulement trois à sept mois par an. En cas de décès, les terres sont partagées entre les héritiers et les surfaces cultivables se fragmentent. L’agriculture attire donc de moins en moins de jeunes, qui préfèrent émigrer plutôt que de risquer de manquer de nourriture. Certain-e-s déménagent vers les villes du pays, où ils et elles trouvent de petits jobs. D’autres rejoignent le Nigeria, le Togo, le Sénégal, ou encore la Libye et l’Algérie.

Pour faire face à ces situations, Caritas International collabore avec un partenaire local, CADEV. Ensemble, nous fournissons tout d’abord une aide humanitaire d’urgence : distribution gratuite de nourriture, d’argent liquide sans conditions, d’articles d’hygiène et de latrines.

En plus de l’aide humanitaire d’urgence, nous dispensons également des formations pour stimuler la production agricole, nous créons des stocks tampons pour qu’il y ait de la nourriture lorsque l’agriculture est à l’arrêt et essayons de restaurer les champs et les pâturages. Dans certains cas, nous encourageons des groupes de jeunes ou de femmes à travailler ensemble sur une même parcelle. Nous aidons également les jeunes à développer de petites activités génératrices de revenus, comme la transformation de produits agricoles ou la vente d’épices, de beignets ou de tissus.

Caritas International Belgique Niger: restaurer champs et pâturages pour améliorer la sécurité alimentaire

Nous utilisons les ressources disponibles localement, comme le fumier par exemple. Nous expliquons aux agriculteurs et agricultrices comment composter, travailler avec des pesticides biologiques.

Chetima, Responsable Sahel pour Caritas International

Les sécheresses récurrentes nuisent également à la production de bétail. La disparition des terres disponibles pour le bétail encourage les éleveurs à chercher des pâturages ailleurs, jusqu’au Bénin. Les attaques de groupes terroristes comme Boko Haram poussent aussi les gens à partir. Certain-e-s jeunes se laissent toutefois séduire par la perspective d’obtenir une moto et une source de revenus et rejoignent alors ces groupes violents.

Caritas International et CADEV partagent une vision et une approche similaires où l’agroécologie1 occupe une place centrale. Nous utilisons les ressources disponibles localement, comme le fumier par exemple. Nous expliquons aux agriculteurs et agricultrices comment composter, travailler avec des pesticides biologiques et utiliser la technique de la ‘demi-lune’. Cette technique consiste en une cuvette en demi-cercle dans laquelle on plante les cultures et qui intercepte et infiltre les eaux de ruissellement.

Dans la même optique, nous promouvons aussi l’agroforesterie. Auparavant, de nombreuses surfaces boisées étaient incendiées pour les transformer en terres agricoles. Aujourd’hui, les agriculteurs et agricultrices prennent conscience de l’importance de préserver et protéger les arbres.

Le Niger est désormais gouverné par un régime militaire. Cela affecte-t-il le travail de Caritas ?

Chétima : Pas directement, mais bien de façon indirecte. Les avoirs du Niger auprès de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ont par exemple été gelés. Et dans les banques nigériennes, on ne peut retirer que très peu d’argent. Cette situation n’est pas sans conséquences. Mais les ONG continuent à travailler et les autorités se rendent compte que leur présence est très utile. 

Caritas International Belgique Niger: restaurer champs et pâturages pour améliorer la sécurité alimentaire

L'agriculture traditionnelle permet de produire de la nourriture durant trois à sept mois par an.- © Johanna de Tessières / Caritas International

Les projets de Caritas International au Niger bénéficient-ils du soutien financier de la Coopération belge au développement (DGD) ? 

Chétima : Nous nous appuyons en effet sur la solide expérience de notre équipe au Niger pour mettre en œuvre le programme de développement COHERENCE, financé par la DGD. Par ce biais, nous voulons renforcer la cohésion sociale au sein des communautés locales en donnant un rôle prépondérant aux femmes, sans oublier les groupes vulnérables tels que les personnes âgées et les personnes handicapées. Les projets dédiés à l’eau potable par exemple contribuent à relier les gens et les villages. Nos collègues apprennent aux habitant-e-s à mieux utiliser les produits locaux, par exemple en fabriquant de la bouillie à base d’arachides, de sucre et de sel, ce qui contribue de manière significative à la lutte contre la malnutrition, en particulier chez les enfants. Les centres de santé constatent également que ces efforts portent leurs fruits.

Recommandations 

Pour développer efficacement la sécurité alimentaire au Niger, nous exhortont les responsables politiques en Belgique à :

  • Recentrer la coopération au développement sur le soutien aux systèmes alimentaires durables, basés sur l’agriculture familiale et les pratiques agroécologiques.
  • Allouer au moins 50% des financements belges pour la sécurité alimentaire à la transformation agroécologique des systèmes alimentaires.
  • Dédier une attention particulière à la réduction des risques de catastrophes lors de l’octroi de fonds et de l’élaboration de programmes en lien avec l’adaptation climatique.


Avec le soutien de la Coopération belge au développement – DGD



1

L’agroécologie consiste à produire des aliments de manière durable et locale, tout en protégeant la nature et en respectant les droits, les connaissances et les besoins des agriculteurs et agricultrices.

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