Un témoin raconte l’horreur d’Alep

Caritas International Belgique Un témoin raconte l’horreur d’Alep
05/12/2016

Adnan est travailleur social à Alep. Il envoie régulièrement des nouvelles de sa ville natale à Cordaid (Caritas Pays-Bas). Sa maison a été complètement détruite lors d’une explosion. Si Adnan et sa famille ont survécu, plusieurs voisins sont décédés. Voici son témoignage le plus récent.

Que peut-on dire sur la situation à Alep en ce moment ?

La violence s’est encore intensifiée des deux côtés, du côté du gouvernement et de celui de l’opposition. Les grands médias étrangers se concentrent surtout sur les bombardements à l’est de la ville, perpétrés par le gouvernement syrien. La semaine dernière, c’est notre dernier hôpital en fonction qui a été bombardé et détruit. Personnellement, je vis à l’ouest. Et je ne peux plus me rendre dans l’autre partie de la ville, sous peine d’être vu comme un partisan du régime et pendu sur la place publique.

C’est important d’insister sur le fait que l’ouest de la ville est également une zone de guerre. Nous sommes aussi touchés par les bombes de l’opposition. Il y a trois jours, après le bombardement qui a touché l’hôpital, une école primaire a été détruite par des tirs de rocket. Huit enfants sont morts, une trentaine blessés. Des deux côtés, ce sont des civils qui paient le prix des affrontements et doivent se battre pour survivre.

A quelle distance de vous tombent les bombes ?

Il y a trois semaines, notre quartier a été touché par une bombe contrôlée à distance. Notre maison est située dans un quartier résidentiel, loin de tout bâtiment miliaire ou gouvernemental. Pourtant, il est en proie à beaucoup de violence. Avec ma femme, enceinte, et ma fille, on a trouvé refuge dans la cave, juste avant que notre maison ne soit entièrement détruite. Avec seulement nos pyjamas sur le dos, nous nous sommes abrités pendant près de 8 heures dans une pièce de 15m², avec une vingtaine d’autres personnes. Sans eau, sans nourriture, sans toilette. Les enfants et les bébés ont hurlé pendant des heures.
Nous avons survécu, mais deux de nos voisins les plus proches ont été retrouvés morts. Notre maison est inhabitable. Pour l’instant, nous pouvons loger chez un mais. Après les bombes, notre maison (ou du moins ce qu’il en restait), a été pillée. Nous n’y retournerons pas. Il n’en reste rien et de nouveaux attentats pourraient y avoir lieu. Ma fille, qui a 4 ans, n’y comprends rien. Nous lui avons expliqué que nous avions été victimes de voleurs.

Et c’est pareil pour tous les habitants d’Alep, à l’est comme à l’ouest. Chaque famille a perdu l’un de ses membres. Nous entendons des tirs de mortier toutes les heures, et ensuite des explosions. L’écho des pleurs suit celui des sirènes. On se dit qu’il se pourrait qu’on soit les prochains. Les alarmes ne fonctionnent plus dans la partie ouest de la ville. Nous tentons néanmoins de reprendre une vie ordinaire, en envoyant nos enfants à l’école, en reprenant les transports publics, en retravaillant, en allant visiter des amis, en mangeant, dormant… Notre existence se vit au jour le jour. Heure par heure.

Travailler est encore possible ?

Après avoir perdu notre maison, j’étais sous le choc pendant pendant une semaine. Mais l’aide d’urgence ne s’arrète pas. Et je suis heureux que nous puissions organiser cette aide malgré le chaos qui règne ici. En ce moment, nous gérons un projet qui a pour but de renvoyer des enfants handicapés sur les bancs de l’école. Même en temps de guerre. Nous sommes également investis dans ce projet de repas chauds distribués aux victimes des attentats et violences.

La clinique mobile est opérationnelle dans l’est d’Alep. Le personnel médical y traite tous les patients, quels que soient leur vécus, genre ou religion.

Est-ce vraiment possible de se remettre d’un tel choc ?

On doit continuer à vivre. Ma maison a disparu, des gens meurent à chaque moment, des parents, des amis, des voisins. Mais ma femme et mes enfants sont en vie. Cela me donne la force de continuer  à vivre, de toute recommencer et de continuer à espérer que demain, tout ira mieux.

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