Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignages

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignages

Caritas Pologne - Zlata, réfugiée Ukrainienne, maintenant en Pologne.

Caritas Pologne - Zlata, réfugiée Ukrainienne, maintenant en Pologne.

27/03/2022

Quatre semaines après le début de la guerre en Ukraine, en plus de personnes qui fuient à l’intérieur du pays, près de trois millions de personnes ont pris le chemin de l’exil en dehors de l’Ukraine. Les Caritas des pays voisins se mobilisent à leurs côtés : Moldavie, Roumanie, Hongrie, Slovaquie, Bulgarie, République Tchèque… et Pologne, où plus d’ 2 millions de personnes se sont réfugiées[1]. Puisque la plupart des hommes doivent rester en Ukraine, ce sont surtout les femmes et les enfants qui prennent la fuite. Rencontre avec Zlata, Ludmilla, Inna et Agnjetschka.

Zlata, photographe : « Les images que vous voyez reflètent la réalité. Nous devons nous entraider dans cette situation terrifiante »

Quand la guerre a éclaté, Zlata, jeune photographe à Kiev, était sur le point de commencer un nouveau travail. Lundi 28 février était censé être un jour nouveau et prometteur pour elle.

Mercredi 23 février, elle rend visite à ses parents dans sa ville d’origine, Tchernihiv, au nord de l’Ukraine. Elle rentre à Kiev avec un sentiment d’anxiété qu’elle ne parvient pas à expliquer. Le lendemain, jeudi 24 février, à 5 heures du matin, elle est réveillée par une explosion. Directement, elle regarde sur Internet ce qu’il se passe, mais n’y trouve aucune information. 10 minutes plus tard, un ami lui écrit : la guerre est là.

Après 30 minutes, lorsqu’elle regarde par la fenêtre, une longue file de voitures s’apprête déjà à quitter Kiev. Son frère l’appelle pour qu’elle fasse ses bagages et se rende à une des grandes stations de métro de Kiev, Pochaina. Sa ville natale, où elle avait laissé ses parents la veille, est la cible de raids aériens et ses parents doivent se réfugier dans des abris souterrains. Zlata a pu fuir vers la Pologne, à Budomierz, où elle est hébergée par des ami-e-s et cherche un travail.

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesLa vie de Zlata a changé du jour au lendemain. Hier, elle s’apprêtait à commencer un nouveau travail, aujourd’hui elle est réfugiée en Pologne. – Caritas Pologne

Ludmilla, jeune maman, et ses 3 enfants

Ludmilla, 28 ans, maman de Nastia et Konstantin, jumeaux de 5 ans et de Victoria, 3 mois, sont enveloppés dans d’épaisses vestes d’hiver. La famille peut enfin profiter d’un peu de répit et de chaleur dans la tente de Caritas à Przemyśl, en Pologne, après 5 jours sur les chemins de l’exil. En approchant la poussette de sa fille du poêle et en lui préparant un biberon, elle revient sur le jour où sa vie a basculé.

C’est un dimanche qu’elle et ses enfants ont quitté la ville portuaire d’Odessa, au sud de l’Ukraine. Alors que les soldats russes marchent dans la ville, le temps presse. La famille embarque dans un train direction Lviv, dans l’ouest, chez des ami-e-s. « Chaque jour, je suivais les actualités. J’avais peur de devoir attendre à la frontière avec mes enfants dehors, la nuit, alors qu’il faisait très froid. » Malgré tout, jeudi, elle décide de tenter sa chance. Une connaissance les conduit à la frontière et la famille monte dans un bus pour la Pologne, laissant leur ancienne vie derrière eux. L’essence étant devenue rare, le véhicule n’est pas chauffé alors tout le monde se serre les un-e-s contre les autres. Elle arrive au centre de transit de Przemyśl, où des volontaires de Caritas Pologne permettent à celles et ceux qui arrivent – un millier de personnes par jour – de se nourrir et se reposer. Nastia, Konstantin et Victoria sont gelé-e-s et affamé-e-s. Le personnel de Caritas leur trouve un hébergement pour la nuit dans une école voisine. Le lendemain, elle grimpe dans un mini bus, navette organisée par les volontaires de Caritas pour emmener les personnes en exil vers d’autres régions de Pologne ou vers un pays voisin. Les enfants montent rapidement. La famille a hâte d’avoir un lit, au moins ce soir. Ludmilla n’est pas sûre de ce qui se passera ensuite…

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesLudmilla et ses enfants se réchauffent dans la tente de Caritas à Przemyśl, en Pologne – Philipp Spalek/Caritas Allemagne

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesLudmilla et ses 3 enfants en bas âge montent rapidement dans une navette organisée par Caritas Pologne. – Philipp Spalek/Caritas Allemagne

Inna : « Nous aimerions croire que cette guerre ne va pas durer longtemps »

« Au début je ne pouvais pas croire qu’il y avait une guerre », témoigne Inna. « Mais ensuite, j’ai ouvert Instagram et j’ai réalisé que les bombes pleuvaient sur mon pays ». Inna vient de la ville de Kremenets, à l’ouest de l’Ukraine. Dès les premiers jours de la guerre, un aéroport proche de sa ville est bombardé. Des ami-e-s lui conseillent de venir en Pologne. C’est de Przemyśl, au sud-est de la Pologne, où elle se trouve actuellement, qu’elle témoigne. Dans sa fuite, elle laisse en Ukraine ses parents, ainsi que son frère et son mari qui sont obligés de rester dans le pays en raison d’une mobilisation générale pour l’armée. Lors de leur dernière conversation, ils lui ont assuré qu’ils allaient bien… elle espère que c’est toujours le cas. « Nous aimerions croire que cette guerre ne va pas durer longtemps » dit-elle. Mais les exemples d’expériences auxquelles elle a été confrontée durant son travail ne lui permettent pas d’y croire. « J’ai travaillé avec des personnes originaires de l’est de l’Ukraine, qui ont dû migrer au sein de leur propre pays. Lorsqu’elles sont arrivées, elles pensaient aussi qu’elles venaient à l’ouest pour quelques jours seulement. 8 ans plus tard, elles sont toujours là. » [2]

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesInna a quitté sa ville de Kremenets, à l’ouest de l’Ukraine, après que l’aéroport près de chez elle ait été bombardé – Philipp Spalek/Caritas Pologne

Agnjetschka, volontaire à Caritas Pologne : « le sort des Ukrainiens et des Ukrainiennes aurait aussi pu être le nôtre. »

Il est 6 heures du matin et Agnjetschka est déjà aux fourneaux. Depuis le 24 février, elle dort environ 4 heures par nuit et finit ses journées à minuit. Déjà volontaire dans le restaurant Caritas de la gare de Przemyśl, à la frontière polonaise, elle s’est directement proposée quand qu’elle a entendu parler de la guerre en Ukraine à la radio… Avec les autres volontaires, elle prépare chaque jour 1.800 litres de soupe et 160 petits-déjeuners, déjeuners et dîners pour les réfugié-e-s, la police, les pompiers, les gardes-frontières, le personnel paramédical et les secouristes. On se croirait dans une fourmilière, personne ne tient en place. La cuisine chauffe rapidement, les fenêtres sont embuées. Des volontaires coupent des légumes et du pain, Agnjetschka fait frire des œufs brouillés dans la poêle. Toutes les personnes qui passent devant les immenses marmites de soupe les mélangent à l’aide d’une grande louche.

Les muscles d’Agnjetschka lui font mal, ses mains sont enflées… mais elle ne se plaint pas. Cela ne l’empêchera jamais de continuer, dit-elle. Chaque jour, elle pense à son fils. Chaque jour, elle imagine ce qu’il se passerait s’il était appelé à se battre. « Le sort des Ukrainiens et de Ukrainiennes aurait aussi pu être le nôtre. » souffle-t-elle. Elle ne veut même pas y penser. Elle se remet au travail… La prochaine commande attend.

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesAgnieszka est fidèle au poste de 6 heures du matin à minuit. Avec d’autres volontaires, elle travaille dans la cuisine du restaurant social de Caritas, dans la gare de Przemysl, près de la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. – Philipp Spalek/Caritas Alemagne

Les femmes seules particulièrement vulnérables au risque de trafic d’êtres humains

« Beaucoup de femmes, avec enfants, arrivent à la frontière, souvent au milieu de la nuit, et entrent dans un pays qu’elles ne connaissent pas, où les gens parlent une langue qu’elles ne parlent pas » explique Thomas Hackl, directeur de l’action humanitaire à Caritas Roumanie. En Roumanie comme dans les autres pays aux alentours de l’Ukraine, le risque de trafic d’êtres humains est très présent. Les Caritas locales en sont bien conscientes et incitent les personnes exilées à rester vigilantes. Les employé-e-s et volontaires sont toutes et tous formé-e-s à cet égard. « À la frontière beaucoup de personnes offrent leur aide, notamment de transports et de logements gratuits… La grande majorité d’entre elles offre ce soutien avec les meilleures intentions, mais rien ne garantit qu’il n’y ait pas parmi elles des personnes qui essaient de tirer profit de cette situation. »

>> A LIRE AUSSI : Ukraine : questions et réponses (FAQ)

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesUne femme réfugiée prend son enfant dans les bras, au centre d’accueil pour réfugié-e-s de Korczowa, à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. – Philipp Spalek/Caritas Allemagne

Caritas International Belgique Femmes ukrainiennes réfugiées en Pologne : témoignagesDes réfugié-e-s ukrainien-ne-s passent la nuit dans le hall de gymnastique d’une école en Pologne – Philipp Spalek/Caritas Allemagne

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Caritas International a déjà débloqué plus de 130.000 euros de son fonds d’urgence pour venir en aide aux victimes de la guerre en Ukraine. Les premières aides sont allées à Caritas Ukraine, Caritas Pologne et Caritas Moldavie. Mais surtout, nos collègues sont prêt-e-s à apporter leur aide partout. En Ukraine même, où les personnes les plus vulnérables sont restées sur place. Et dans les pays voisins, où nous faisons de notre mieux pour accueillir les personnes exilées, principalement des femmes avec leurs enfants.

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Pour répondre à cette urgence mondiale, Caritas International et les six autres membres du Consortium 12-12 ont lancé un appel commun de solidarité. Sous le nom de Ukraine 12-12, cet appel vise à réunir les moyens nécessaires pour d’intervenir auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin.

1

UNHCR, Situation Ukraine Refugees, consulté le 25/03/2022.

2

Une guerre est en cours dans la région du Donbass depuis 2014. Caritas y est présente depuis lors.

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