Aujourd’hui, huit ans après avoir du tout quitter et laisser derrière elle ceux qu’elle aimait, Clémence* a été reconnue comme réfugiée par la Belgique et y vit dans son propre appartement avec sa fille. De la Guinée forestière à la Belgique, cette ancienne résidente de notre structure d’accueil pour femmes vulnérables partage un poignant témoignage poignant, à cœur ouvert.
Clémence* avait toujours été heureuse en Guinée. Elle pouvait vivre raisonnablement bien d’un morceau de terre qu’elle et sa famille cultivaient. Ils n’avaient pas beaucoup d’argent, mais c’était suffisant. Jusqu’au jour où, en 2013, son mari meurt d’une crise cardiaque et sa belle-famille l’accuse de son meurtre, puis la menace de mort. « J’ai dû quitter, laisser tout derrière moi, sans savoir où j’allais. Dans l’angoisse, dans la peur. C’était tellement dur (…) mais je n’avais pas le choix. »
Elle fuit d’abord jusqu’à la capitale mais elle est traquée. « Partout où j’allais, ils étaient informés et ils venaient toujours, ils me suivaient. » Elle suit se résout finalement à suivre les conseils d’ami-e-s et dépense toutes ses économies pour fuir vers l’Europe. « Ils me disaient ‘’là-bas ils vont essayer de te protéger. Au lieu de rester ici où ta vie est en danger…’’ »
>>À LIRE AUSSI : Découvrez aussi son témoignage en vidéo ainsi que celui de Djeinaba
Seule, confuse, sans repère
Elle arrive alors à la Gare du Nord de Bruxelles. « Je ne connaissais rien. Je ne savais pas quoi faire. » Aguillée par des policiers, elle demande l’asile à l’Office des Étrangers et est envoyée dans un centre d’accueil collectif en attendant la réponse. « Ce n’était pas facile de dormir dans la même chambre que des gens que tu ne connais pas, de tout faire ensemble. (…) Je ne dormais pas. J’avais tout le temps mal. On me donnait tout le temps des médicaments. »
Ils m’ont vraiment aidée. Ils ont vu que je souffrais énormément. Ils ont compris mon problème, ils se sont mis à ma place.
- Clémence*
Lors des entretiens pour demander l’asile, traumatisée par ce qu’elle a vécu, elle ne parvient pas à raconter son histoire au CGRA – Commissariat Général aux Réfugiés et aux Apatrides[1]. « Je peux le dire aujourd’hui, je racontais n’importe comment, je mélangeais tout. (…) Parfois, en dormant, je criais sans m’en rendre compte. Des fois j’avais des vertiges, des maux de tête sans fin… » Plusieurs fois, sa demande d’asile est rejetée.
Aux Logis de Louvranges, un accueil spécifique à ses besoins
A bout de souffle, vu ses graves traumatismes, elle se voit redirigée vers la structure d’accueil pour femmes isolées de Caritas : les Logis de Louvranges. « Ils m’ont vraiment aidée. Ils ont vu que je souffrais énormément. Ils ont compris mon problème, ils se sont mis à ma place. »
>>À LIRE AUSSI : Femmes isolées à Louvranges : suivi et soutien
Accompagnée par une équipe pluridisciplinaire, elle peut se poser et prendre du recul. « Je me vidais petit à petit et je me sentais de plus en plus à l’aise. Même les oublis que j’avais tout le temps avant commençaient à aller mieux. (…) Je me suis retrouvée petit à petit. Quand ils (le CGRA) m’a convoqué, j’ai alors pu bien expliquer mes problèmes, ils ont bien compris et j’ai été reconnue comme réfugiée. »
Regarder vers l'avenir, avec sa fille
Aujourd’hui, Clémence* vit enfin en sécurité dans un appartement en Belgique. « C’est à Louvranges que tout a changé pour moi. Aujourd’hui je m’en sors très bien. Je peux dire que je suis vraiment à l’aise. Je suis tranquille, je travaille… » Sa fille l’a rejointe plusieurs années après, fuyant elle-même une excision. « Quand je l’ai retrouvée, je n’en revenais pas, je me suis mise à trembler de la tête aux pieds. Ça a été un choc pour nous deux. » Aujourd’hui, sa fille étudie le droit et elles vivent toutes les deux ensemble.