Nardos – une enfant en exil devenue assistante sociale

Caritas International Belgique Nardos – une enfant en exil devenue assistante sociale

© Caritas International

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11/03/2025

D’origine érythréenne, Nardos fuit son pays à l’âge de 13 ans. Après des années sur la route, elle arrive en Belgique, où elle obtient son titre de séjour. Accompagnée par Caritas, elle apprend à parler français et à être autonome dans un pays dont elle ne connaît rien. 10 ans plus tard, Nardos est de retour chez Caritas pour effectuer son stage d’assistante sociale. Retour sur son courageux parcours.

Une vie en danger en Erythrée

Nardos n’est qu’une enfant le jour où la police débarque dans sa maison de Barentu, dans le sud-ouest de l’Erythrée, pour l’envoyer en prison avec sa maman. Quelques jours auparavant, elles ont accueilli une famille ayant traversé la frontière du Soudan et sont accusées d’être des passeuses. « Ces accusations sont fréquentes dans ma ville » explique-t-elle. Nardos est rapidement libérée de prison car elle est mineure, mais elle se sent en danger et décide de suivre un groupe de sa communauté qui quitte le pays. Sa mère reste emprisonnée, les voisins veilleront sur ses plus jeunes frères et sœur. « Je n’avais aucun plan. Je n’ai informé personne que je partais car j’avais peur que la police me découvre » se souvient-elle.

Une enfance sur la route

Démarre alors un long périple. Protégée par deux connaissances plus âgées qu’elle, Nardos traverse le Soudan puis arrive en Lybie. Là, elle restera environ sept mois, cachée dans un appartement le temps de réunir les fonds pour la traversée de la Méditerranée. Elle précise : « J’ai téléphoné à ma mère, qui était encore en prison, pour qu’elle m’envoie de l’argent. Cela a mis du temps pour récolter la somme. Dans le désert libyen, tout le monde a été séparé mais j’ai rencontré d’autres personnes qui parlaient ma langue. On est devenu comme une famille. » Elle poursuit : « Je pense que c’est en Lybie que j’ai appris la vie. Avant cela, je n’étais qu’une enfant, je mangeais et je dormais. En Lybie, j’ai compris ce que je voyais et j’ai commencé à me poser beaucoup de questions. »

En mai 2018, Nardos arrive en Italie par bateau et sa mère est libérée de prison à la même période. Confinée trois mois durant dans un centre pour mineures en Sicile, l’adolescente réfléchit à la suite. « Chaque semaine, on nous distribuait quelques vêtements et dix euros d’argent de poche. Mes amies rencontrées en Lybie disaient que la Belgique était un bon endroit pour vivre, alors j’ai décidé de faire la route avec elles. J’ai remonté l’Italie, puis j’ai traversé la France et je suis arrivée en Belgique le 23 août 2018. » décrit-t-elle.

La Belgique comme nouvelle maison

Nardos demande l’asile dès son arrivée dans le plat pays. Elle reste un mois à Bruxelles avant d’être envoyée dans un centre d’accueil dans la province de Liège. « Il y avait 600 personnes dans cet endroit. Des femmes, des mineurs, des familles. Je ne connaissais rien de la Belgique. La vie à l’intérieur du centre est complètement différente de l’extérieur, » explique-t-elle.

En juin 2019, âgée de 17 ans, elle obtient son titre de séjour et déménage dans un appartement du projet Youth in Transit de Caritas à Liège. « C’était la première fois de ma vie que j’avais une chambre rien que pour moi », se souvient-elle en souriant. « C’est chez Caritas que j’ai découvert la vie en Belgique et que j’ai appris à me débrouiller au quotidien. La semaine est bien organisée et chaque jour il y avait des activités. J’étais très bien accompagnée » développe la jeune femme. Le cœur du projet est la mise en autonomie. Les éducateurs·rices accompagnent des jeunes et des familles dans les tâches de tous les jours : faire sa lessive, prendre des rendez-vous, s’inscrire à des formations, etc. « C’est une grande chance, car une fois que l’équipe me montrait comment faire quelque chose, cela me donnait de la confiance pour le faire toute seule. Grâce à eux, je savais que j’en étais capable et c’est très important » résume Nardos.

L’arrivée de sa famille

Nardos n’a jamais envisagé de retourner en Erythrée, mais elle a toujours eu en tête de ramener sa famille auprès d’elle. « Ma famille est arrivée en 2021, après 5 ans sans se voir. Au téléphone, je disais toujours à ma maman : “Sois-prête, un jour tu vas pouvoir venir ici” » raconte-t-elle. Pendant des années, la situation était dangereuse pour se parler, quelques brefs coups de téléphone afin de s’assurer que tout va bien. C’est seulement lorsque Nardos lance les démarches pour le regroupement familial avec Caritas et que sa mère et ses frères et sœurs arrivent en Ethiopie, que la mère et la fille se revoient par écrans interposés. « C’est Caritas qui m’a aidée à faire venir ma famille. Même après mes 18 ans, lorsque j’ai quitté le projet, je continuais à venir pour le regroupement familial. Puis c’est avec l’assistante sociale que j’ai été les chercher à l’aéroport de Bruxelles. » poursuit Nardos. Après son arrivée en Belgique, sa mère a préféré vivre à Anvers, où la communauté érythréenne est plus importante. Nardos va régulièrement leur rendre visite.

Aider celles et ceux qui ont un parcours similaire

Aujourd’hui Nardos a 22 ans, son propre appartement et des envies plein la tête. « Cela fait six ans que je suis à Liège, je m’y sens bien et j’ai beaucoup grandi » conclut-t-elle heureuse. Depuis son arrivée en Belgique, elle a terminé deux formations de français et s’exprime parfaitement.

Nardos, réfugiée érythréenne en Belgique, effectue un stage d’assistante sociale chez Caritas Liège.

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Elle a été serveuse, vendeuse et a travaillé en cuisine pour subvenir à ses besoins et envoyer de l’argent à sa famille. Récemment, Nardos a développé un projet professionnel pour devenir assistante sociale et est revenue chez Caritas afin d’y effectuer son stage.

« Pendant mon stage, j’ai été en contact avec des personnes qui parlaient érythréen, pour qui c’était compliqué de communiquer en français et je pouvais donc les aider. Ça me faisait bizarre car je me reconnaissais, c’était moi il y a quelques années. » Dans ce travail, Nardos se sent utile et cela lui plaît bien. Après un second stage, elle pourrait officiellement postuler pour un emploi d’assistante sociale.

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