RD Congo : Le village de Masia Kwa renaît de ses cendres

Caritas International Belgique RD Congo :  Le village de Masia Kwa renaît de ses cendres

© Caritas International

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03/12/2024

Une crise humanitaire et sécuritaire continue de frapper les populations à l’Ouest de la RD Congo. Dans la province du Maï-Ndombé, des épisodes violents se sont déroulés dans plusieurs villages, comme ce fut le cas à Masia Kwa. Caritas International est allé à la rencontre de cette communauté qu’elle accompagne dans sa reconstruction, aux côtés de ses partenaires locaux.

Depuis fin juillet 2022, une guerre d’une grande violence a éclaté dans le territoire de Kwamouth, situé dans la province du Maï-Ndombé, à l’Ouest de la RD Congo et à presque 200 kilomètres de la capitale, Kinshasa.

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Masia Kwa et provinces affectées par la crise. - © Caritas International

Ce conflit trouve ses origines dans des tensions liées à des taxes coutumières, notamment entre les communautés Teke et Yaka. Les Teke, considérés localement comme les populations « autochtones », sont établis sur les deux rives du fleuve Congo. Les Yaka, arrivés plus tard, sont soumis à une redevance versée aux chefs coutumiers Teke pour l’exploitation des terres.
Cet arrangement avait longtemps permis aux deux communautés de cohabiter pacifiquement. Cependant, plusieurs facteurs, tels que la pression croissante sur les terres, l’augmentation des redevances et une gouvernance inefficace, ont fait basculer cette relation dans la violence.

Le meurtre d’un fermier Yaka dans le village de Masia Mbe, en juin 2022, a marqué le point de départ d’une escalade rapide du conflit, qui s’est propagé comme une traînée de poudre d’un village à l’autre. En réaction, certains membres de la communauté Yaka ont formé une milice armée appelée « Mobondo ». Ce groupe a rapidement étendu ses activités, développant une économie de guerre basée sur l’occupation des terres, leur exploitation et le recrutement de combattants.

Les actions des milices « Mobondo » et leurs combats avec l’armée congolaise continuent d’aggraver la situation humanitaire et sécuritaire dans les provinces du Maï-Ndombé, du Kwilu, du Kwango et de la Ville Province de Kinshasa. Des incidents sont également signalés plus à l’ouest, dans la province du Kongo-Central.

Le réseau Caritas et ses partenaires restent parmi les seuls acteurs qui soutiennent les communautés affectées dans leurs efforts de reconstruction.

Assaut sur Masia Kwa

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Alain, Commissaire de police à Masia Kwa et témoin de l'assaut du 19 août 2022. - © Caritas International

À 7 heures du matin, le 19 août 2022, le village de Masia Kwa a été soudainement et brutalement pris d’assaut par des miliciens « Mobondo ». Ceux et celles qui étaient sur place témoignent de l’horreur et de la peur vécues.

Le commissaire de police, Mr. Alain, raconte l’arrivée des assaillants : « J’étais à peine en uniforme », se souvient-il, « on a dû se mobiliser face à cette menace imprévue. » 

Fort de ses 9.300 habitant-e-s et de sa position stratégique sur la rivière Kasaï (Kwa), ce village se trouve à quelques heures de Masia Mbe où l’étincelle a jailli deux mois plus tôt.

Prise au piège, la population a tenté de fuir et a embarqué des pirogues pour se réfugier sur les bancs de sable de l’autre côté de la rivière. D’autres se sont dirigés vers le Congo-Brazzaville. Plusieurs personnes ont perdu la vie dans les eaux lors de ces traversées périlleuses. Les assaillants ont assassiné le chef du village et six autres de leurs concitoyen-ne-s. Ils ont pillé les écoles et les champs, 245 maisons et les boutiques du marché ont été brulées.

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Le Directeur Nsele a également été témoin des attaques sur le village. - © Caritas International

Le Directeur Nsele dirige une des écoles à Masia Kwa, il a été personnellement pris pour cible : « Un enseignant que j’avais moi-même embauché m’a pourchassé dans la cour de l’école. Il avait rejoint les miliciens pour prendre le pouvoir ici. Ils ont pillé les bancs de l’école. C’est un miracle que j’ai pu me sauver. »    

L’attaque a duré jusqu’à 14 heures, lorsque les miliciens sont retournés dans la brousse.

Lisanga : Ensemble

Le réseau Caritas, actif dès le lendemain des attaques, poursuit encore son travail dans la zone.  En soutien aux aspirations de la population de Masia Kwa et du territoire de Kwamouth plus largement, Caritas International implémente avec ses partenaires le projet Lisanga – « ensemble » en Lingala – financé par l’Union européenne.

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Le Docteur Héritier dirige l'hôpital de Masia Kwa. - © Caritas International

Le projet Lisanga se concentre sur la protection, la relance des moyens de subsistance, la santé, la nutrition et l’éducation. Ce programme intégré et à base communautaire est mis en œuvre par huit organisations aux expertises distinctes mais complémentaires1.

Le Docteur Héritier dirige l’unique hôpital du village de Masia Kwa : « On encaissait des décès chaque jour par manque de médicaments et de matériel. Ce n’était même pas la peine de parler d’hospitalisation ici. »

Presque 7.000 patient-e-s ont été pris-es en charge à l’hôpital depuis le début des activités du programme Lisanga à Masia Kwa. « Des actions humanitaires comme Lisanga nous ont permis de nous équiper pour prendre en charge la population. Nous avons drastiquement réduit les taux de mortalité infantiles et maternelles. » explique le Docteur Héritier.

À l’école dirigée par le Directeur Nsele, des cours de rattrapage ont été organisés pour les élèves qui avaient manqué deux années scolaires entières à cause des déplacements et de l’insécurité. En parallèle, un comité de protection issu de la communauté est formé afin d’identifier des risques spécifiques aux enfants du village, tels que l’exploitation ou les abus sexuels.

En attente de paix, une reconstruction difficile

Selon les acteurs humanitaires, environ 7.500 personnes sont retournées dans leur village de Masia Kwa depuis ce jour noir d’août 2022. Mais leur vie quotidienne reste difficile et incertaine.

Malgré la sécurisation de la rivière, de la route et du village par l’armée congolaise depuis octobre 2023, les mouvements des habitant-e-s restent restreints. La population de Masia Kwa tente péniblement d’atteindre ses champs agricoles au-delà des barrières militaires érigées par les soldats ou miliciens.

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Les ruines d'une des plus de 200 maisons détruites lors de l'attaque. - © Caritas International

Dans l’autre sens, les personnes vivant dans les territoires occupés par les miliciens risquent d’être ciblées si elles tentent de passer les lignes. Jadis, Masia Kwa représentait encore un refuge et leur ouvrait les portes de ses marchés et de ses hôpitaux. « On sait qu’ils meurent aussi de faim là-bas », partage un jeune de Masia Kwa, exprimant son désir de comprendre ce que vivent ceux et celles de l’autre côté des barrières.

La reconstruction des infrastructures de Masia Kwa est un grand défi – de nombreuses maisons restent détruites et les classes d’école sans bancs rappellent les plaies de l’attaque. Environ 1.500 personnes vivent encore dans des familles d’accueil car elles n’ont pas pu reconstruire leurs maisons incendiées. Autrefois une habitude courante avant la guerre, la disparition des bruits de bétail dans les parcelles s’explique par la crainte d’être pillés par des hommes armés.

« Nous voulons la paix » : une phrase qui revient dans chaque discussion avec la communauté.



1

Caritas International, Caritas Congo, Caritas Kinshasa, la Commission Diocésaine Justice et Paix-Kinshasa, MAGNA, Street Child UK, Train Them to Fish et APEDC-RDC.

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