En Haïti comme dans de nombreux pays, le gouvernement a imposé des mesures de confinement suite à l’apparition de la pandémie. Les chiffres officiels font état de 234 contaminations et 18 décès[1]. Ils doivent malheureusement être pris avec des pincettes : très peu de tests sont effectués, et beaucoup de malades cachent leur état par peur d’être stigmatisés. Le calme avant la tempête ?
Quelle est la situation actuelle en Haïti ?
Martine Haentjens : Les gens sont en colère. Les communications officielles de la part des autorités se font attendre et les mesures structurelles manquent. Le gouvernement a par exemple activé un numéro d’urgence pour les personnes malades, mais ce numéro sonne la plupart du temps dans le vide. Il avait également promis d’accueillir les malade dans des centres de santé, ce qui ne s’est pas ou très peu concrétisé dans les faits. Cela ne renforce évidemment pas la confiance de la population, au contraire !
En soit, ce sentiment d’abandon et de trahison par les autorités n’est pas nouveau. Les troubles sociaux et politiques ont débuté bien avant la pandémie. Les Haïtien-ne-s protestent depuis des mois contre la corruption et le prix élevé des denrées alimentaires et du carburant. L’attitude du gouvernement face à la crise du corona ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. Le manque de clarté dans les messages officiels, l’angoisse et l’agitation sociale persistante poussent les gens à descendre dans la rue pour exprimer leur mécontentement. Cela se traduit, surtout dans les villes, par des manifestations pendant lesquelles la distanciation physique n’est pas appliquée.
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Le système des soins de santé est-il prêt pour la crise qui s’annonce ?
Martine : Non, pas du tout. Seuls 124 lits sont disponibles en soins intensifs, pour une population qui dépasse les 10 millions d’habitants[2]. Le pays manque de personnel médical et les équipements de protection sont quasi inexistants.
Les rares communications adressées à la population insistent sur l’importance de l’hygiène, mais comment respecter des mesures d’hygiène sans disposer du matériel nécessaire ? Peu de personnes ont accès à de l’eau propre, à du savon et à des produits désinfectant. Ces derniers sont tout simplement introuvables ou impayables.
Quel est l’impact de la crise du corona sur d’autres domaines, comme celui de l’approvisionnement alimentaire ?
Martine : La situation actuelle est catastrophique. La crise économique, les troubles socio-politiques et le réchauffement climatique étaient déjà passés par là. La crise alimentaire menaçait avant même l’apparition du virus, mais le lockdown n’a fait qu’augmenter le prix des denrées. Les prix des aliments de base comme les haricots et le riz, fluctuent constamment. En raison du confinement imposé, la demande augmente et tout devient plus cher.
Le fait que beaucoup de personnes ont perdu leur emploi à cause des mesures en cours, aggrave encore la situation. Ces personnes quittent la ville pour retrouver leurs familles à la campagne. Cela représente des bouches supplémentaires à nourrir dans les villages. Dans ce contexte de hausse des prix et de pénurie alimentaire, le risque de famine est bien réel.
Comment Caritas organise-t-elle l’aide humanitaire sur place ?
Martine : Si la menace est bien présente, l’impact réel de la pandémie reste incertain. Mais nous ne restons évidemment pas à attendre le pire. Nous déployons tous nos efforts pour élaborer des réponses à la fois tenables et à grande valeur ajoutée. Nous menons des campagnes de sensibilisation via des affiches diffusant des messages sur l’hygiène et la distanciation physique, dans un langage compréhensible par tous et toutes. C’est crucial, car les défis sont bien sûr très différents en ville et à la campagne.
Caritas Haïti distribue des affiches à propos du coronavirus et des mesures d’hygiène.
Nous prévoyons également de fournir du désinfectant, des aquatabs et de grands seaux munis de robinets. Nous voulons soutenir la fabrication de masques buccaux. Nous espérons ainsi qu’à l’avenir, chaque famille pourra se laver les mains et appliquer les mesures d’hygiène. Nous continuons par ailleurs à accompagner les paysans pour améliorer leur production, et allons distribuer de l’argent pour répondre aux problèmes alimentaires les plus criants.
Un objectif : être là pour les victimes de la pandémie
En dehors de Haïti, le réseau de Caritas est également actif contre la propagation du virus dans une centaine de pays. En RD Congo, au Burundi, en Syrie, au Venezuela ou, plus près de chez nous, en Italie, où des équipes mobiles contribuent au dépistage, organisent des accueils d’urgence, assurent des distributions alimentaires, etc…
En Belgique, Caritas International met tout en œuvre pour garantir l’accompagnement social et la protection des personnes et en particulier des plus vulnérables d’entre elles, au sein de ses structures d’accueil et là où son assistance est requise.
Pour répondre à cette urgence mondiale, Caritas International et les six autres membres du Consortium 12-12 ont lancé un appel commun de solidarité. Sous le nom de COVID 12-12, cet appel vise à réunir les moyens nécessaires pour d’intervenir auprès de celles et ceux qui en ont le plus besoin.
Chaque minute compte pour sauver des vies ! Pas besoin de sortir de chez vous, soutenez le Fonds d’urgence Coronavirus via notre plateforme de dons en ligne ou sur le compte BE88 0000 0000 4141 avec la communication « Coronavirus 005 ».