Vous souvenez-vous de vos jeunes années ? Imaginez : vous êtes mineur-e et vous avez dû fuir votre pays seul-e. Vous vous retrouvez en Belgique, après avoir subi de nombreux traumatismes sur le chemin de l’exil. Vous êtes livré-e à vous-même. Voilà la situation dans laquelle de nombreux/euses jeunes se retrouvent. Beaucoup d’entre eux/elles sont en transit en Belgique vers le Royaume-Uni ; on les appelle « MENA en transit. » Dans un « mode survie », ils et elles ne font souvent confiance à personne et font profil bas, en évitant tout contact avec les pouvoirs publics dont ils se méfient. Ces jeunes viennent principalement d’Érythrée, du Soudan et d’Éthiopie, et sont dans des situations juridiques très diverses. « Beaucoup sont passé-e-s par la Lybie par exemple, où ils et elles ont subis des violences sexuelles, de l’esclavage… Des maltraitances terribles et très traumatisantes. C’est loin de s’arrêter en Europe : beaucoup rapportent des violences policières et des vols de leurs effets personnels » s’inquiète Manou Ballyn, reponsable du projet Xtra MENA (CAP Brabantia – Antenne de Caritas International).
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Vie dans la rue et disparitions
Livré-e-s à eux/elles-mêmes, ces enfants et adolescent-e-s sont à la merci de personnes qui peuvent être malintentionnées. Évitant de se signaler aux autorités, ils et elles n’ont pas accès à la protection qui est pourtant un droit en tant que mineur-e. Les informations reçues à leur départ, pendant leur trajet et en Belgique se révèlent souvent contradictoires, incomplètes ou incorrectes. « On remarque que ces jeunes sont sur les chemins d’exil de plus en plus longtemps – 1 an et demi, parfois même 2 ans – et passent par de nombreux pays qui appliquent des règles différentes » explique Manou. Pourtant particulièrement vulnérables, nombre d’entre eux/elles dorment en rue et les disparitions sont fréquentes. Il n’est pas rare qu’ils/elles soient victimes de trafic d’êtres humains ou d’autres pratiques illégales. « Sans repères ni solutions pour survivre, certain-e-s sont contraint-e-s de faire des choses désespérées, comme se prostituer » témoigne Manou. « Pour l’instant, Fedasil applique des critères de vulnérabilité, selon lesquels un-e jeune peut ou non avoir accès au système d’accueil formel en dehors des heures d’ouverture (après 15h). Il faut que ce système cesse car si un-e jeune ne reçoit pas une place d’hébergement après avoir beaucoup hésité à se signaler, il y a des fortes chances pour qu’on perde sa trace » continue-t-elle.
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© Image illustrative – Canva
Un problème durable qui prend de l’ampleur
Présente depuis des années auprès de ces jeunes dans les lieux où ils et elles évoluent, l’équipe du projet Xtra MENA a développé une expertise quant aux obstacles et difficultés qu’ils et elles rencontrent et cherche à répondre à leurs besoins. Aujourd’hui, le constat est sans appel : de plus en plus de jeunes, de plus en plus vulnérables, et un manque criant d’accompagnement et de places pour les accueillir dignement. Il y a urgence : il faut prendre des solutions structurelles pour répondre à un problème qui n’est plus temporaire mais bien permanent. « Toutes les associations qui travaillent auprès des MENA passent énormément de temps à répondre à leur demande première : trouver un toit pour la nuit. Nous n’avons plus le temps de les accompagner sur d’autres aspects : les soutenir psychologiquement, les informer sur leurs droits… Le logement est une telle urgence que ça prend le pas sur tout le reste » s’indigne Manou. « Ce n’est pas possible de laisser ces enfants s’épuiser, avoir froid, avoir faim, dormir dans la rue… »
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Un espace de pré-accueil est nécessaire
Sur base de son expertise et en concertation avec d’autres acteurs, l’équipe Xtra MENA de CAW Brabantia – antenne de Caritas International formule une recommandation claire : il est urgent d’ouvrir des lieux de pré-accueil sans enregistrement formel pour que ces jeunes puissent enfin se reposer, commencer à se reconstruire et réfléchir à leur futur. Ce lieu devrait leur permettre d’accéder à des services qui répondent à leurs besoins fondamentaux pour qu’ensuite, une fois sortis du mode survie, ils et elles puissent assimiler les informations correctes qui leurs seraient données, à leur rythme. Ils et elles pourraient alors être guidé-e-s pour, si c’est leur souhait, se signaler officiellement en Belgique et entrer alors dans le système formel de protection prévu pour les MENA. Selon sa situation, chaque jeune pourra faire une demande de protection internationale en Belgique ou une demande regroupement familial dans le pays où il/elle a de la famille, par exemple le Royaume-Uni. « Mettre en place ce système de pré-accueil est primordial et urgent. A ce problème structurel, il faut une réponse structurelle, ancrée sur le long terme » insiste Manou. « On sait que beaucoup de jeunes sont en ce moment même sur les routes migratoires et vont arriver dans les prochains mois… On parle de garçons et de filles, parfois enceintes, et extrêmement vulnérables. L’hiver arrive. »