Youth in Shelter : accueillir les mineurs étrangers dans des conditions dignes

Caritas International Belgique Youth in Shelter : accueillir les mineurs étrangers dans des conditions dignes
12/06/2024

Dans la province liégeoise, Youth in Shelter accueille des mineurs étrangers non-accompagnés dans une atmosphère bienveillante. Un lieu où ils peuvent compter sur un accompagnement rapproché qui s’inscrit dans le temps et où leur bien-être est une priorité. Rencontre avec Marjolaine Herbeto, coordinatrice du projet.

C’est un mercredi, aux alentours de midi, les garçons rentrent au compte-gouttes de l’école. Petit à petit, l’ancienne maison de repos prend vie. Après avoir déposé leur cartable dans leur chambre, ils descendent manger dans la salle commune. Educateurs/trices et jeunes discutent de la matinée écoulée en dégustant un shawarma concocté par Walid, le cuisinier de la maison. Ce moment d’échange symbolise le cœur de la mission de Youth in Shelter : offrir un lieu chaleureux et sécurisant pour que les mineurs étrangers puissent se construire tant personnellement que dans le vivre-ensemble. Découvrez le projet en vidéo.

Une structure à taille humaine

Youth in Shelter, située dans la province de Liège, est une structure d’accueil pour mineurs étrangers non-accompagnés (MENA) qui a vu le jour en 2020. Il s’agit d’un projet subsidié par l’Aide à la jeunesse et Fedasil, dans le cadre du plan MENA, qui a instauré en 2015 la nécessité d’accueillir des mineurs particulièrement vulnérables en dehors de centres de grande envergure.

« Nous avons eu un jeune qui avait subi des violences dans un centre d’accueil. C’était important qu’il ait un suivi psy et un accompagnement à taille humaine pour faciliter la création d’un lien de confiance. En ce moment, nous accueillons un garçon de douze ans. C’est encore un enfant, il ne pourrait pas se développer dans un centre pour adulte, où il serait laissé pour compte. Ici, nous sécurisons le coucher, l’hygiène, l’alimentation, etc. » explique Julie Godefroid, infirmière à Youth in Shelter.

Liège accompagnement réfugié mineurs aide logement

C’est le meilleur moyen de trouver pas à pas leur place dans une société qui leur est inconnue.

Marjolaine Herbeto, coordinatrice du projet

Les dix-huit jeunes, entre 12 et 16 ans, qui résident ici sont entourés d’une équipe de 14. Le personnel avec un horaire de shifts afin qu’il y ait toujours une personne auprès des jeunes. « Cela nous permet de mettre en place un accompagnement rapproché et sur mesure pendant une période charnière de leur vie. C’est le meilleur moyen de trouver pas à pas leur place dans une société qui leur est inconnue. » poursuit Marjolaine Herbeto, coordinatrice du projet.

La structure accueille uniquement des garçons dont la demande de protection internationale est en cours et espérant avoir un avenir en Belgique. La durée de leur résidence est d’environ deux ans car les procédures sont très longues. Lorsqu’ils atteignent la majorité, et en cas de réponse positive, ils sont redirigés vers un accompagnement de transition, qui les préparera à vivre en autonomie.

La force d’un accompagnement adéquat

La spécificité de Youth in Shelter réside également dans la pluridisciplinarité de son équipe. Dans la maison, l’accompagnement s’organise en trois volets : éducatif, psychosocial et médical.

Chaque éducateur/trice à sa spécificité : responsable d’activité, parrainage, éducateur de nuit, etc. Alison, par exemple, est chargée de l’organisation du Conseil des Jeunes, qui illustre la volonté de coconstruire le cadre avec les jeunes. « Une fois par semaine, on se réunit avec eux pour entendre leurs questions ou leurs remarques, déterminer ensemble les activités à venir. C’est aussi durant ce moment que nous échangeons quant au jeune en charge du nettoyage des lieux communs et un autre responsable de la préparation du lunch. Cela permet de les impliquer dans les décisions qui les concerne et ainsi de donner du sens au fonctionnement mis en place. » détaille Marjolaine.

Dans le même ordre d’idées, lorsqu’il y a des sanctions, celles-ci sont responsabilisantes : un jeune aidera par exemple Arthur, éducateur technique, à réparer un dégât qu’il a commis dans la maison. C’est avec lui qu’ils ont notamment créé la salle de sport. « C’est important pour eux de pouvoir s’évader de leur quotidien, se défouler. Cet endroit nous permet d’entretenir la relation, échanger de manière informelle et aussi surveiller leurs mouvements pendant qu’ils s’entrainent » explique Arthur.

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La salle de sport nous permet d’entretenir la relation, d'échanger de manière informelle

Arthur, éducateur à Youth in Shelter

Les garçons peuvent également compter sur Camille, assistante sociale, qui va les accompagner dans toutes les étapes de leur demande de protection internationale et les préparer au mieux à un système qui n’est pas adapté à un public mineur.

Julie, infirmière, assure leur suivi médical. La majorité de ces jeunes ont fui seul l’horreur. Ils ont de lourds traumatismes qui nécessitent une attention particulière. « Partant de ce constat, j’ai créé un projet “bien-être” pour avoir un endroit serein dans la maison. J’y fais des massages, des soins du visage et de l’aromathérapie. C’était une volonté de notre part que les jeunes soient à l’aise avec leurs émotions. C’est souvent un parcours du combattant pour qu’ils réussissent à mettre des mots sur leur parcours et leur stress post-traumatique » témoigne Julie.

Retrouver la normalité de l’adolescence

Comme la majorité des adolescents, le quotidien des jeunes résidents est rythmé par l’école.
Après leur arrivée en Belgique, ils sont d’abord inscrits en DASPA (Dispositif d’Accueil et de Scolarisation des élèves Primo-Arrivants), ce qui leur permet pendant dix-huit mois d’avoir un contact rapproché avec le professeur. « Enormément de jeunes que nous accueillons ne sont jamais allés à l’école et sont analphabètes dans leur langue. Ils ont du mal à se concentrer, à rester assis des heures durant. » explique Marjolaine. La transition vers l’enseignement classique est compliquée car les professeurs ne sont pas en mesure de fournir le même suivi et les jeunes peuvent facilement finir par tomber en décrochage scolaire. Un plan d’accompagnement est mis en place par l’équipe de Caritas pour les jeunes qui sont déscolarisés. Par exemple, le mercredi après-midi est dédié au soutien scolaire ainsi qu’à l’aide aux devoirs. « On essaie de les mobiliser au sein de la structure » témoigne Marjolaine.

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Les repas sont des moments fondamentaux où la collectivité vit dans son ensemble.

Marjolaine Herbeto, coordinatrice du projet

Une activité pour laquelle il est facile de rallier l’ensemble de la maison, c’est la soirée burger-frites du vendredi. « L’alimentation est un sujet central. Satisfaire dix-huit jeunes qui viennent de différentes régions du monde, c’est compliqué. Les repas sont des moments fondamentaux qu’on partage avec les jeunes et où la collectivité vit dans son ensemble.» explique Marjolaine. Une fois par mois, les garçons ont également la possibilité de choisir une recette de leur culture, de la préparer avec le chef et de partager le repas avec leurs camarades.

Chaque week-end, le samedi est dédié à une activité et le dimanche au nettoyage. « C’est compliqué de trouver une activité qui plaît à la majorité et qui répond à nos contraintes budgétaires. » poursuit Marjolaine. Les jeunes sont enthousiastes pour des sorties bowling, du football au parc, un film au cinéma, plus que pour nettoyer les communs le lendemain.

Créer du lien

La coordinatrice constate une réelle évolution dans le comportement des mineurs étrangers qui résident à Youth in Shelter. C’est un lieu où, après un parcours traumatique, ils peuvent prendre le temps de se reconstruire en étant entouré d’une équipe bienveillante.

« La finalité de notre accompagnement c’est de participer à leur construction identitaire et les soutenir dans la gestion des émotions qu’un trajet d’exil à court, moyen et long-terme implique. On a souvent le sentiment que les jeunes ont une plus grande capacité à créer un lien avec l’adulte et à entrer en relation au fur et à mesure du temps qu’ils passent chez nous. » conclut Marjolaine.



Avec le soutien de l’Administration Générale de l’Aide à la Jeunesse et de la Loterie nationale.




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