En quoi le nouveau Pacte européen sur la migration est-il problématique ?

Caritas International Belgique En quoi le nouveau Pacte européen sur la migration est-il problématique ?
10/04/2024

Le Parlement européen a approuvé aujourd’hui en séance plénière le Pacte européen pour l’asile et la migration. Ce vote marque la fin de longues négociations sur la réforme des règles européennes en matière d’asile. Caritas s’inquiète de l’impact négatif qu’il pourra avoir sur la vie de milliers de personnes étant donné que les nouvelles règles limitent sérieusement l’accès à la protection pour les personnes qui en ont besoin.

Le nouveau Pacte n’a malheureusement pas réussi à réformer le système dysfonctionnel du règlement Dublin qui rend le pays de l’UE où un demandeur de protection internationale arrive pour la première fois responsable du traitement de la demande d’asile. Les nouvelles règles sont basées sur un mécanisme de solidarité complexe via lequel les États membres de l’UE pourront littéralement payer pour éviter la relocalisation des demandeurs d’asile sur leur territoire. Cela ne compensera pas la responsabilité accrue qui incombera aux États membres aux frontières extérieures de l’UE.

L’augmentation de l’utilisation des procédures d’asile et de retour accélérées pour confiner les demandeurs de protection internationale aux frontières extérieures de l’Europe afin d’empêcher les “mouvements secondaires” est également problématique. Cela conduira à une détention généralisée, y compris de familles et d’enfants, à des procédures d’asile précipitées avec des garanties limitées et à des normes d’accueil médiocres dans les pays frontaliers surpeuplés. Le nouveau processus de filtrage menace également d’accroître la pratique discriminatoire du profilage ethnique.

L’utilisation élargie du concept de “pays tiers sûr” signifiera probablement que davantage de personnes seront renvoyées vers un pays de transit tel que la Tunisie. Cela reflète une tendance croissante à l’externalisation qui vise à transférer la responsabilité de l’asile vers des pays non-membres de l’UE et à augmenter les retours.

Enfin, en cas de crise, les gouvernements disposeront d’une série de mesures exceptionnelles pour retarder l’accès à la procédure d’asile et pour prolonger les procédures aux frontières. Le concept controversé d’ “instrumentalisation” des migrants par les pays non-membres de l’UE sera également introduit dans la législation européenne.

Les Etats membres ont maintenant deux ans pour se préparer à la mise en œuvre du Pacte. Nous les exhortons à empêcher les détentions massives aux frontières, à créer des conditions d’accueil dignes, ce qui comprend un soutien médical adéquat et une aide juridique, et à permettre aux ONG d’accéder aux personnes soumises à des procédures frontalières. Un monitoring rigoureux devra être organisé impliquant l’Agence de l’Union européenne pour l’asile et la Commission européenne, avec des conséquences concrètes en cas de violation et de non-respect de la législation européenne.

Plus de 30 000 personnes sont mortes en Méditerranée depuis 2014. Cette situation doit changer si l'UE veut rester fidèle à ses valeurs. L'accès à des procédures d'asile, à des conditions d'accueil équitables et dignes dans l'UE, ainsi que des voies d’entrée sûres font partie de la solution.

Michael Landau, Président de Caritas Europa

Comme nous le soulignons dans notre mémorandum pour les élections européennes, nous souhaitons que le nouveau Parlement européen fasse preuve d’un leadership mondial dans la promotion d’une Europe plus accueillante, fondée sur les droits humains. La solidarité sans précédent envers les réfugié-es d’Ukraine montre ce que l’UE peut faire lorsqu’il y a une forte volonté politique.

Des voies d’entrée sûres sont également nécessaires pour permettre aux personnes de se déplacer, de travailler et de s’installer en toute sécurité et dans la dignité. L’élargissement de la réinstallation, des visas humanitaires, du regroupement familial et de la migration du travail doit faire partie de la solution.

Il est temps de reconnaître la contribution positive et indispensable des personnes migrantes aux sociétés européennes, au lieu de maintenir l’illusion qu’il est possible et souhaitable de bloquer la mobilité humaine.

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