Il faut remettre la faim à l’agenda politique

Caritas International Belgique Il faut remettre la faim à l’agenda politique

Isabel Corthier

Isabel Corthier

16/10/2019

Il y a quarante ans, les Nations unies ont instauré la Journée mondiale de l’alimentation pour attirer l’attention sur l’insécurité alimentaire. Nous n’avons aucune raison de nous réjouir des chiffres de la faim à l’occasion de cette journée mondiale 2019 : une personne sur neuf souffre de la faim. Si dans le passé ce nombre diminuait, trop lentement, mais régulièrement, les chiffres de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que la faim dans le monde est à nouveau en hausse et cela pour la troisième année consécutive. Par ailleurs, plus de 2 milliards de femmes et d’hommes (une personne sur quatre) sont en insécurité alimentaire modérée ou aiguë.

Un recul de 10 ans

La faim a regagné du terrain et nous sommes maintenant revenus au niveau qu’elle occupait il y a 10 ans. Nous reculons donc par rapport à l’engagement pris par la communauté internationale en 2015 : éradiquer la faim d’ici 2030 (le deuxième des 17 Objectifs de Développement Durable).

Les experts de la FAO plaident pour une véritable transformation des politiques : celles-ci doivent lutter contre les inégalités et renforcer la résilience économique des pays, tout en répondant ambitieusement aux effets des conflits persistants et de la crise climatique, qui aggravent la faim dans le monde.

Pour y arriver, il s’agit surtout d’avoir la volonté politique de changer nos systèmes alimentaires, et de remettre l’injustice de la faim à l’agenda politique, au niveau international mais également en Belgique.

La Belgique doit faire plus…

Nous soutenons le choix qu’a fait la Belgique de cibler sa coopération vers les pays les plus pauvres. Ce sont ces pays qui sont confrontés à la faim, avec près d’un quart de leur population qui en souffre. Face à cette réalité, la Belgique doit appuyer des programmes de sécurité alimentaire ambitieux visant à réaliser le droit à l’alimentation pour chacun.

Jusqu’en 2016, c’était le cas, notamment via un fonds spécifique bénéficiant aux communautés frappées par la faim (le Fonds Belge de Sécurité Alimentaire). Mais ce programme a été brusquement interrompu par le ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, au début de son mandat, entravant ainsi l’impact des programmes en cours.

Le ministre de la Coopération s’était pourtant engagé à consacrer au moins 15% du budget à l’agriculture et à la sécurité alimentaire. Au terme du mandat, cet engagement n’aura été tenu qu’une seule année sur cinq. En abandonnant ses programmes visant spécifiquement à lutter contre l’insécurité alimentaire, la Coopération belge ne remplit pas ses obligations.

… et doit faire mieux

L’analyse des nouveaux programmes de coopération belge engagés avec plusieurs pays africains inquiète la Coalition contre la Faim[1] : ils visent avant tout à faciliter les investissements du secteur privé et à accroître la compétitivité de certaines filières agricoles.

La Coopération belge au développement entend réaliser une approche basée sur les droits humains, mais ne se concentre pas sur le droit à l’alimentation. Les agriculteurs familiaux, premières victimes de la faim, y sont avant tout considérés comme des fournisseurs de denrées, sans attention spécifique à l’amélioration de leur sécurité alimentaire. Pire, les plus précaires d’entre eux ne sont plus la priorité et sont délaissés au profit des agriculteurs ayant un potentiel commercial.

Les nouveaux programmes de la Coopération belge ignorent donc la grande majorité de ceux qui ont faim, et ignorent les causes profondes de la malnutrition.

Force est donc de constater que la Belgique n’est pas très investie dans la lutte contre la faim… Espérons que le prochain gouvernement sera plus ambitieux.

Un agenda pour des systèmes alimentaires durables

Les Objectifs de Développement Durable offrent un agenda pour transformer nos systèmes alimentaires et réaliser le droit à l’alimentation de manière cohérente : en éliminant la pauvreté, en réduisant les inégalités, en réalisant l’égalité de genre, tout en préservant nos écosystèmes, en limitant le réchauffement climatique en dessous de 1,5 degré, et en établissant des modes de production et de consommation durables. La communauté internationale s’y est engagée, tout comme la Belgique. Il est temps de traduire ceci en actes concrets.

Pour ce faire, la Coopération belge au développement doit prioriser à nouveau la sécurité alimentaire, mais également soutenir l’agriculture familiale dans une transition vers des systèmes agroécologiques. Ceux-ci sont plus économes en ressources, plus résilients et permettent d’améliorer la nutrition. La Belgique doit également se concentrer davantage sur le rôle des femmes dans l’agriculture et sur les innovations sociales qu’elles portent.


Cet article est écrit dans le cadre du projet MIND qui reçoit le soutien financier du programme de l’Union européenne pour la sensibilisation et l’éducation au développement (DEAR). Ce contenu relève de la responsabilité de Caritas International, et ne reflète pas nécessairement la position de l’Union européenne. 

Caritas International Belgique Il faut remettre la faim à l’agenda politique



1

La Coalition contre la Faim réunit une vingtaine d’ONG engagées sur la thématique de la sécurité alimentaire, en particulier dans le cadre des politiques de coopération au développement.

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