Focus vulnérabilités : « Tout est difficile en chaise roulante »

Caritas International Belgique Focus vulnérabilités : « Tout est difficile en chaise roulante »

Fady Al Ghorra - Les infirmières Hanane et Marisa donnent les soins nécessaires aux résidents du centre de Scherpenheuvel

Fady Al Ghorra - Les infirmières Hanane et Marisa donnent les soins nécessaires aux résidents du centre de Scherpenheuvel

22/02/2019

Le centre d’accueil pour demandeurs d’asile de Scherpenheuvel accueille depuis quelques mois des personnes avec des besoins spécifiques : affections physiques ou psychologiques, autisme, maladies ou femmes enceintes… Elles y reçoivent des soins adaptés.

Les premiers rayons de soleil de février enveloppent de chaleur le centre d’accueil de Scherpenheuvel. « Est-ce déjà le printemps ? », demande Sadiya*, appuyée sur sa béquille. C’est en août 2018, au cœur d’un été sec et torride, qu’elle a appris à connaître la Belgique. A l’époque, elle était accueillie au centre de Broechem, près d’Anvers, avec son mari, leurs deux fils, deux filles et son petit-enfant. « Ma fille ainée est mariée mais son mari a été enlevé en Irak. Nous ne savons pas ce qu’il est devenu… ».

Opération urgente

Sadiya a dû subir une opération de la hanche en urgence. Elle et sa famille ont donc été transférées au centre de Caritas à Scherpenheuvel. A l’époque, elle se déplaçait en chaise roulante.

En janvier, l’opération s’est bien déroulée. Sadiya a maintenant une prothèse de la hanche et voit l’infirmière trois fois par semaine afin de faciliter la revalidation. La chaise roulante a fait place à une béquille qui lui permet, lentement mais sûrement, de se déplacer et de se promener. « Tout est difficile en chaise roulante », raconte Sadiya. « J’étais toujours obligée de demander de l’aide. Maintenant, je peux sortir seule pour profiter un peu du soleil. »

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Maysun et sa mère Sadiya.

De graves problèmes de santé

Devant le château imposant qui accueille aujourd’hui ces demandeurs d’asile, une famille prend une dernière photo avec les accompagnateurs du centre avant de partir. Une petite fille en chaise roulante attend avec sa maman la voiture qui l’amènera à l’hôpital de Louvain. Elle a ce qu’on appelle « spina bifida », une malformation causée par un développement incomplet de la colonne vertébrale et qui demande des soins importants. Soins qu’elle reçoit ici, à Scherpenheuvel.

« Les problèmes des résidents sont importants », commente l’infirmière Hanane. A côté d’elle, Marisa, elle aussi infirmière secoue la tête pour appuyer ce constat. « Le médecin vient deux fois par semaine mais nous avions tellement de travail que Caritas a engagé une deuxième infirmière », dit-elle. « Je suis très contente de pouvoir travailler pour Caritas. Il y a 18 ans, j’étais moi-même réfugiée et j’ai été accompagnée par Caritas. Je boucle la boucle. »

Des chambres adaptées

Le cabinet d’Hanane et Marisa est le seul « bureau » du rez-de-chaussée. Les autres bureaux de l’équipe d’encadrement ont été déplacés à l’étage afin d’offrir aux résidents des chambres adaptées à leurs besoins. La première chambre dans le couloir est celle de Sadiya et sa famille. Un peu plus loin habite Mahmod*, un Irakien de 45 ans.

« Je suis en Belgique depuis deux mois et demi », explique Mahmod. « Ici, tout le monde est gentil. Mais, en même temps, je me sens très seul. Les autres le voient et me motivent à les accompagner au marché par exemple. Je veux vraiment avancer dans la vie, combattre cette solitude et essayer de sortir plus, de participer à la vie du quartier. »

Le jour où tout a basculé

La famille de Mahmod est toujours en Irak. L’homme a quitté sa femme et ses enfants pour les protéger. « Le 10 février 2013 est le jour où tout a basculé. Depuis, je n’ai plus confiance en personne », dit-il. « Ce jour-là, j’ai été attaqué par une milice armée parce que je vendais de l’alcool. Ils disaient que je n’étais pas un bon musulman. J’étais terrifié. Surtout par l’idée qu’ils pourraient s’attaquer aux enfants. »

« Ma colonne vertébrale a été touchée par une balle. Ma jambe aussi était en mauvais état. Je suis resté à l’hôpital pendant 8 mois. La milice pensait que j’étais mort mais lorsqu’ils ont appris que j’étais toujours en vie, ils s’en sont à nouveau pris à nous. Je savais que si je ne quittais pas l’Irak, je serai tué. »

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Centre d’accueil à Scherpenheuvel.

Rêver d’un avenir

« J’aime travailler et j’aimerai à nouveau avoir un chez-moi », continue Mahmod. « Scherpheuvel, c’est très beau et paisible. Je prendrai n’importe quel emploi du moment qu’il soit faisable en chaise roulante. Peut-être emballeur dans une fabrique. Je me sentirai déjà mieux si je savais de quoi mon avenir sera fait… »

Depuis la pelouse qui borde l’allée centrale du château, deux hommes avec une poussette entrent au centre. Le bébé qu’ils promènent n’est pas le seul : « Nous connaissons un véritable baby-boom », explique Marisa. « Le gynécologue et l’hôpital sont à 10 minutes d’ici, donc de nombreuses femmes enceintes nous sont assignées par Fedasil. Nous leur fournissons un kit-bébé avec, entre autres, des vêtements, un essuie et des compresses. »

Le centre de Scherpenheuvel peut accueillir jusqu’à 144 personnes. A ce jour, 55 enfants entre 0 et 19 ans y résident. Et malgré ça, il y fait calme ce matin de février. Les enfants et les jeunes sont à l’école, d’autres ont cours de néerlandais. Ils se construisent un futur encore bordé d’inconnues.



*

Le nom a été changé pour préserver l’anonymat de la personne.

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