Palestine dans l’ombre du monde : une double crise humanitaire et un naufrage moral

Caritas International Belgique Palestine dans l’ombre du monde : une double crise humanitaire et un naufrage moral

© Caritas Jerusalem

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23/05/2025

Alors que l’attention mondiale reste centrée sur Gaza, une tragédie silencieuse continue de s’intensifier dans les territoires palestiniens occupés. Non seulement la bande de Gaza, mais aussi la Cisjordanie et Jérusalem-Est sont frappées par des violences systémiques, des destructions massives et une crise humanitaire croissante. Derrière les déclarations diplomatiques et les gestes symboliques d’aide humanitaire se dessine une réalité marquée par l’occupation, la déshumanisation et la remise en cause des droits fondamentaux.

Gaza : blocus et punition collective

Depuis les événements tragiques du 7 octobre 2023, la situation à Gaza s’est fortement détériorée. Les opérations militaires israéliennes ont déclenché une crise humanitaire sans précédent : des dizaines de milliers de morts — en majorité des civils —, une infrastructure en ruines, et des centaines de milliers de personnes exposées à la faim, à la maladie et à l’insécurité.

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L’accès à l’aide humanitaire est quasiment interrompu. Des camions remplis de nourriture et de médicaments attendent à la frontière sans pouvoir entrer. Les organisations humanitaires dénoncent les obstacles persistants à la coordination de leurs livraisons. Les cuisines collectives n’ont plus les moyens de fonctionner, les hôpitaux, délibérément ciblés, sont détruits ou hors service, et le système de santé s’effondre.

Les gestes symboliques — comme les ponts aériens — peuvent paraître solidaires, mais ils sont insuffisants. Coûteux, limités et essentiellement destinés à projeter une image de mobilisation politique, ils ne remplacent en rien une réponse humanitaire efficace. La véritable aide passe par un accès structuré, sécurisé et durable par voie terrestre.

Cisjordanie : une tragédie silencieuse

En parallèle, une autre catastrophe, moins médiatisée, se déroule en Cisjordanie occupée. Sous couvert de sécurité, l’armée israélienne mène des opérations d’envergure qui provoquent des déplacements massifs et la destruction de communautés entières. Depuis octobre 2023, plus de 40.000 Palestiniens ont été expulsés de leurs habitations. Des quartiers entiers à Jénine, Nour Shams et El Far’a — autrefois des camps de réfugiés devenus des villes à part entière — sont désormais réduits à l’état de villes fantômes.

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Rien qu’à Jénine, 3.000 familles ont été déplacées, et plus de 600 habitations ont été rasées. Les habitants ont dû partir sans emporter aucun bien personnel.

Les conséquences psychologiques sont lourdes : perte de logement, d’emploi, de dignité et d’espoir. Les enfants sont déscolarisés, les classes restantes sont surchargées. Les communautés locales tentent de pallier l’urgence, mais leurs ressources sont limitées, et les capacités de l’Autorité palestinienne sont largement dépassées.

Violence des colons et répression

À ces opérations militaires s’ajoute la violence croissante des colons israéliens armés. Agissant souvent avec la complicité ou la protection de l’armée, ces groupes expulsent les familles palestiniennes, brûlent les terres agricoles et s’approprient des territoires. Ces actes ne sont pas isolés mais relèvent de pratiques coordonnées, instaurant un climat permanent de peur.

La colonisation s’intensifie, et chaque nouveau checkpoint ou extension d’implantation réduit un peu plus la viabilité d’un État palestinien. Le territoire devient morcelé, l’économie paralysée, et le quotidien des Palestiniens profondément entravé. La répression prend la forme de restrictions de déplacement, de confiscation de terres, d’arrestations arbitraires et d’un système juridique discriminatoire.

Le droit international bafoué

Il ne s’agit pas uniquement d’une crise humanitaire, mais aussi d’une crise juridique et politique. La Cour internationale de Justice a déclaré que les politiques israéliennes comportaient des éléments d’apartheid et violaient le droit à l’autodétermination du peuple palestinien. Pourtant, l’inaction internationale persiste, entretenant le sentiment d’impunité. Cette complicité de fait sape notre crédibilité et légitimité : nous ne pouvons prétendre défendre des valeurs d’humanité et de justice dans d’autres situations si nous restons muets devant l’éradication d’un peuple.

Certaines initiatives, comme une récente résolution parlementaire belge, reconnaissent certaines violations — y compris la colonisation — et soutiennent les institutions juridiques internationales. Toutefois, elles conditionnent des droits fondamentaux à des considérations politiques, ce qui va à l’encontre du principe universel des droits humains.

La responsabilité de la communauté internationale

Le gouvernement belge a pris certaines positions importantes : remise en question du commerce des armes, appui aux instances judiciaires internationales, et soutien à la politique de différenciation entre Israël et les territoires occupés. Ces mesures sont bienvenues, mais insuffisantes tant qu’elles ne s’accompagnent pas de sanctions concrètes ou de pressions réelles.

Il est temps de faire preuve de courage politique. Les outils existent : suspension de certaines coopérations, sanctions ciblées, pressions diplomatiques. Chaque jour de retard coûte des vies humaines.

La solidarité criminalisée

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Un autre signe inquiétant est la pression croissante exercée sur les ONG humanitaires et les défenseurs des droits humains. Des organisations sont accusées, restreintes dans leur action, et parfois assimilées à des menaces pour leur simple engagement en faveur des droits des civils. Des médecins sont empêchés de travailler, des hôpitaux ciblés, l’aide entravée.

Cette inversion morale — où ceux qui défendent les droits sont discrédités, et ceux qui les bafouent restent impunis — remet en cause les fondements du droit humanitaire international. L’aide aux civils ne devrait jamais être entravée, encore moins criminalisée.

Le coût de l’inaction

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La situation en Palestine — à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est — ne peut plus être traitée comme une série de crises distinctes ou temporaires. Il s’agit d’un problème structurel de colonisation, d’occupation, de dépossession et de violations systématiques des droits humains.

Tant que des droits fondamentaux comme l’autodétermination, le droit au retour et la protection contre les déplacements forcés ne seront pas respectés, toute solution durable restera hors de portée. La paix ne pourra jamais être le fruit d’une neutralité face à l’injustice.

La Belgique et l’Union européenne doivent faire un choix clair : maintenir une diplomatie symbolique ou transformer leurs paroles en actes. La neutralité face à l’oppression n’existe pas — et l’inaction a un coût. Ce coût se compte aujourd’hui en vies humaines.

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