À mesure que la matinée avance, le rythme s’accélère. Petit à petit, elles deviennent de plus en plus occupées. Les légumes et herbes sont mixés pour former une sorte de purée verte. Les carottes sont coupées en morceaux. Les oignons pelés. Un bébé pleure. Et une femme a aussi les larmes aux yeux, bien que dans son cas, les oignons sont responsables.
Plats de la Guinée et de la Belgique
« C’est de la viande d’agneau marinée aux épices », explique Assiatou*. Aujourd’hui, elle prépare un plat de son pays d’origine, la Guinée. En même temps, elle explique à Safa*, une mère de Djibouti, ce qui se passe encore au tribunal. « Chez nous, nous ne le faisons pas comme ça », dit Safa. « Nous venons toutes les deux d’Afrique mais mangeons complètement différemment. »
Il y a actuellement 25 femmes vivant dans les Logis de Louvranges. Elles viennent de différents pays : Djibouti, Guinée, Burkina Faso, Maroc, RD Congo, Afghanistan ou encore d’Irak,… Certaines sont encore nouvelles aux Logis, d’autres attendent depuis des années qu’une décision soit prise concernant leur demande de protection internationale. Les différentes cultures assurent un échange privilégié, y compris dans le cours de cuisine d’aujourd’hui.
« Quelqu’un d’autre veut encore éplucher des oignons ? », demande Anne, l’une des responsables des Logis de Louvranges. Elle aide les femmes à confectionner deux recettes typiquement belges : des boulettes à la sauce tomate et des boulettes à la liégeoise.
Développer les talents
« C’est la dernière activité d’un projet avec des bénévoles et des résidentes », explique Anne. « En septembre, les femmes ont pu proposer les activités qu’elles aimeraient faire. L’objectif principal est de leur permettre de montrer leur savoir-faire, qu’elles apprennent aussi à mieux se connaître tout en créant des liens entre elles ». Aujourd’hui, Assiatou montre ses qualités de cuisinière, et au cours de la dernière année, d’autres talents sont ressortis : tressage, soin du visage, peinture,… Tout le monde peut participer et contribuer avec ses propres moyens.
« J’avais choisi de visiter des villes », explique Alika*. Avec un groupe de femmes, elle est allée dans des villes telles que Louvain, Mons et Charleroi. « Comme ça, elles connaissent mieux la Belgique et se font une idée de l’endroit où elles pourraient vivre quand elles quittent les Logis », déclare Anne. « Charleroi, par exemple, n’a pas une bonne réputation mais notre visite là-bas a été très agréable. »
Des volontaires européens en SVE
Deux volontaires entourent l’activités d’aujourd’hui : Giulia en Arnau, âgés de 23 ans. Ils font leur service volontaire européen (SVE) aux Logis. Hier, ils ont été faire les courses et aujourd’hui, ils turbinent dans la cuisine avec les femmes pour préparer le délicieux repas. Jour après jour, ils soutiennent les résidentes vers une vie autonome, organisent des animations pour les enfants et sont toujours prêts pour une bonne discussion. « Je pense que les meilleurs moments sont quand nous parlons vraiment aux femmes et que nous apprenons à mieux nous connaître », explique Arnau dans un français aux tonalités espagnoles, son pays d’origine. Il ajoute : « C’était difficile au début. Je parlais à peine français. »
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Aux Logis de Louvranges, les différents appartements sont indépendants des uns des autres. Les femmes y vivent à deux ou avec leurs enfants. Giulia et Arnau logent sur place aussi. Chaque appartement a sa propre cuisine mais il y a aussi des occasions de cuisiner ensemble. « Ou parfois, nous cuisinons nous-mêmes et le mangeons ensemble », partage Alika. « Une fois, Giulia a préparé une pizza italienne ! Avec une pâte toute mince, des tomates et du thym, c’était délicieux. »
À la table !
Dehors, quelques tables ont été mises l’une à côté des autres. Elles sont ornées des indispensables : verres, couverts, assiettes. Pendant que les mamans préparaient tout, les enfants jouaient sous l’œil approbateur de Maria, éducatrice aux Logis.
Trois bambins crient en poursuivant un papillon blanc. Une mère frotte le sable des cheveux de ses jumelles. Puis, les plats arrivent et sont mis sur une petite table pour ensuite être servis par nos cheffes du jour : le riz en belles demi-boules, les sauces – à la viande d’agneau, aux tomates et à la liégeoise – et les boulettes à côté. La Belgique et la Guinée, réunies dans une délicieuse assiette. Et de nombreuses autres cultures réunies à cette vaste table.