Transmigrants : « Ces jeunes veulent juste se construire un avenir »

Caritas International Belgique Transmigrants : « Ces jeunes veulent juste se construire un avenir »

Hamid Al Sino

Hamid Al Sino

08/11/2018

« Interpellations sur un parking », « Opération de police au parc Maximilien », voici deux exemples de gros titres souvent associés aux personnes transmigrantes. Nombreuses sont mineures d’âges parmi ces migrant-e-s qui transitent par la Belgique. Toujours en mouvement, ils semblent inatteignables, invisibles et leur vulnérabilité est souvent oubliée. Depuis juin, une équipe de tuteurs/trices de Caritas les accompagne. Interview avec deux d’entre elles : Laurence Bruyneel et Marta Oliveira.

Pourquoi aider ces transmigrant-e-s mineur-e-s vulnérables ?

Caritas International Belgique Transmigrants : « Ces jeunes veulent juste se construire un avenir »

Laurence Bruyneel : Ces jeunes doivent être accueillis dans un lieu vraiment adapté à leurs besoins. Et c’est difficile à trouver… À cela vient s’ajouter leur extrême vulnérabilité. Non seulement, leur parcours a été traumatique mais, en Belgique aussi, ils sont en proie à tout un tas de difficultés. Toute personne malintentionnée peut aussi facilement abuser de leur position de faiblesse. C’est de notoriété publique que le parc Maximilien regorge de jeunes vulnérables et l’accès y est aisé.

Caritas International Belgique Transmigrants : « Ces jeunes veulent juste se construire un avenir »

Marta Oliveira : Ces jeunes sont épuisés, à bout de forces, n’ont pas d’argent… Si quelqu’un leur propose 20 euros pour se prostituer, je ne pense pas qu’ils refuseraient tous et toutes. Lorsque leur téléphone est volé, ils n’osent pas porter plainte par peur de la police. Il y a des jeunes qui ont été contaminés par la tuberculose ou des infections sexuellement transmissibles mais qui n’ont jamais vu un médecin. De nombreux malentendus circulent aussi : certains passeurs, par exemple, leur racontent qu’ils doivent dire qu’ils sont majeurs sinon ils risquent d’être enfermés en centre fermé.

Que fait Caritas pour les soutenir ?

Laurence : Lors de nos permanences, nous leur donnons une information correcte. Nous expliquons leurs droits et les encourageons à signaler leur présence auprès du Service des Tutelles[1]. Nous tentons de travailler de la façon la plus efficace possible en collaboration avec tous les acteurs concernés. En faisant le pont entre les mouvements citoyens et les autorités comme le Service des Tutelles, nous voulons contribuer à un meilleur accompagnement de ces jeunes vulnérables.

Marta : Lorsqu’un jeune est signalé ou se signale auprès du Service des Tutelles, on lui attribue automatiquement un tuteur ou une tutrice ainsi qu’un-e avocat-e. Il a également droit à un lieu d’hébergement. Souvent après un long et difficile parcours, semé de défis psychologiques, cet accueil et encadrement sont très importants.

Les jeunes hébergés pour quelques nuits par une famille solidaire belge doivent souvent déménager et ne peuvent trouver la stabilité dont ils ont besoin. Nous leur expliquons donc les avantages de ce signalement mais, in fine, ça reste leur décision. Nous ne pouvons pas les obliger.

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Les jeunes vous font-ils facilement confiance ?

Marta : Ils ont déjà tellement vécu que nombreux d’entre eux n’arrivent pas à faire confiance à une nième nouvelle personne. Construire un lien de confiance demande du temps. Temps que nous n’avons souvent pas parce que ce groupe de jeunes est mobile. Il arrive régulièrement qu’un jeune – tout d’un coup – disparaisse. Parfois, après quelques semaines, on entend qu’il a atteint le Royaume-Uni ou un autre pays… Parfois, un jeune refait surface, ici. Il reste toujours le bienvenu chez nous.

Laurence : Ce n’est pas facile mais, pendant une conversation, on arrive quand même à gagner suffisamment leur confiance. Ils parviennent alors à nous donner des informations personnelles, souvent essentielles.

Quel est le profil type de ces jeunes ?

Marta : La plupart d’entre eux ont entre 15 et 17 ans. Sur les 20 jeunes que j’ai pu signaler au Service des Tutelles, il y avait 2 filles. La majorité d’entre eux venait d’Erythrée et du Soudan, pays où leur vie était en danger. Ces jeunes veulent juste se construire un avenir. Ils sont constamment à la recherche d’un endroit où réaliser cette ambition. Ceux qui viennent aux permanences résident en majorité auprès de familles solidaires belges. Nous encourageons également ces familles à venir aux permanences, avec le ou la jeune. Malheureusement, il y a aussi des jeunes seuls et livrés à eux-mêmes.

Laurence : Entre début juin et fin octobre, nous avons pu toucher une cinquantaine de jeunes grâce à nos permanences toutes les deux semaines. Depuis début novembre, nous en organisons trois par semaine. Ce groupe de transmigrants mineurs est très mobile et il est difficile d’en estimer le nombre. Nous ne savons pas, à ce jour, combien de jeunes passent par la Belgique et nous essayons avec ce projet d’obtenir une vision plus globale de la réalité des transmigrants et des jeunes qui font partie de ce groupe.



[1]

Le Service des Tutelles est un service rattaché au Service public fédéral Justice. Il est indépendant d’autres instances telles que l’Office des étrangers rattaché au SPF Intérieur. Info sur le site du Service public fédéral Justice

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