Caritas International Belgique Détention d’enfants pour des raisons de migration : le gouvernement face à ses contradictions

Image illustrative - Mark Papas Canva

28/05/2021

L’accord de gouvernement affirme que « Des mineurs ne peuvent pas être détenus en centre fermé ». Le secrétaire d’État à l’asile et à la migration, Sammy Mahdi, l’a confirmé à plusieurs reprises. Pourtant, il poursuit actuellement une procédure en cours au Conseil d’État qui porte précisément sur les conditions de l’enfermement des enfants au centre 127bis. Ensemble avec d’autres associations, nous dénonçons ce double discours et appelons le gouvernement à respecter les engagements pris ainsi qu’à adopter au plus vite une loi qui met un point final à la détention d’enfants pour des motifs liés à la migration.

Poursuite de la procédure devant le Conseil d’État

Depuis avril 2019, la détention des enfants en centres fermés pour des motifs liés à la migration est juridiquement impossible, car le Conseil d’État a suspendu l’arrêté royal qui encadre cette détention. La procédure, initiée par 15 associations et l’Ordre des barreaux francophones et germanophones, se poursuit pour l’annulation de cet arrêté. Elle avait été entamée sous le précédent gouvernement qui avait décidé de renouer avec cette pratique – abandonnée pendant 10 ans – en adoptant l’arrêté attaqué et en créant des « unités familiales » au sein du centre fermé 127bis, juste à côté de l’aéroport de Zaventem.

Le nouveau gouvernement a depuis pris ses fonctions et s’est engagé dans sa note de politique générale à ce qu’aucun mineur ne soit détenu en centre fermé. Cet engagement a été accueilli très positivement par les associations de défense des enfants et des personnes migrantes.

>> Lire à ce sujet: Le Conseil d’État suspend la détention des enfants

Les organisations consternées par cette décision

Les associations requérantes ont donc découvert avec stupéfaction la décision du nouveau secrétaire d’État de maintenir l’arrêté et son entêtement à défendre les « vertus » de l’enfermement d’enfants auprès du Conseil d’État.

Contacté par les associations, le secrétaire d’État explique ne voir aucune contradiction entre le respect de l’accord de gouvernement et la poursuite de cette procédure, le premier relevant selon lui d’un niveau politique et le second du niveau juridique.

« Les très graves effets de la détention sur un enfant sont connus et largement démontrés ; c’est absolument consternant de voir le gouvernement le reconnaître publiquement, tout en défendant l’inverse auprès du Conseil d’État. Défendre cet arrêté royal, c’est laisser la possibilité au prochain gouvernement de poursuivre cette pratique pourtant condamnée par de nombreuses instances internationales », dit Benoit Van Keirsbilck, directeur de Défense des Enfants International (DEI) – Belgique.

Les effets néfastes de l’enfermement sur les enfants de nouveau constatés en 2018 et 2019

La détention a un impact profond et durable sur la santé physique et mentale et le développement des enfants, qui ont alors un plus grand risque de dépression et d’anxiété, et présentent souvent des symptômes comparables à ceux du syndrome de stress post-traumatique, comme des insomnies, des cauchemars et l’énurésie.

Les 22 enfants qui ont été détenus à Steenokkerzeel entre 2018 et 2019 n’ont pas échappé à ces effets, comme le dénonçait la pédiatre Paulette De Backer, qui avait pu examiner quatre d’entre eux, alors âgés de 1 à 6 ans[1].

« Avec cet arrêté royal, le gouvernement avait essayé de rendre tenable l’intenable en prétendant qu’il était possible de ne pas nuire à ces enfants si les conditions étaient encadrées. Le constat est vraiment différent : ces enfants ont souffert d’être détenus », nous dit Olivia Venet, présidente de la Ligue des droits humains.

Les associations et des milliers de personnes appellent à légiférer

En Belgique, plus de 48 000 personnes et 325 associations se sont engagées pour l’interdiction de la détention d’enfants en rejoignant le mouvement On n’enferme pas un enfant. Point.

Aujourd’hui, les organisations rappellent ce message et exhortent le gouvernement à respecter son propre accord politique en retirant au plus vite l’arrêté royal et surtout, en adoptant une loi qui proscrit absolument la détention d’enfants en raison de leur situation migratoire.

>> En savoir plus sur la campagne On n’enferme pas un enfant. Point.

Signataires

  • Défense des Enfants International (DEI) – Belgique
  • Ligue des droits humains
  • CIRÉ
  • Coordination des ONG pour les Droits de l’Enfant (CODE)
  • Jesuit Refugee Service Belgium
  • Plate-forme Mineurs en exil / Platform Kinderen op de vlucht
  • Amnesty International Belgique – België
  • Vluchtelingenwerk Vlaanderen
  • Service Droit des Jeunes de Namur
  • World Association for Infant Mental Health section belgo-luxembourgeoise
  • Réseau Belge de lutte contre la pauvreté – Belgisch Netwerk Armoedebestrijding Move
  • Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté
  • Caritas International
  • Service droit des jeunes de Bruxelles
  • Association Professionnelle des Psychiatres infanto-juvéniles francophones (APPIJF)
  • ADDE asbl
  • NANSEN
  • Kinderrechtencoalitie
  • Association des Psychologues Praticiens d’Orientation Psychanalytique (APPPsy)

[1] Freres S., La Libre Belgique, « Une pédiatre inquiète après avoir rencontré la famille au centre fermé 127 bis: « Ces enfants vont cumuler une série de traumatismes » », Publié le 23-08-18.